Ces dernières semaines, le gouvernement américain n’a pas seulement accusé la Chine d’être responsable de la pandémie. Il a plus discrètement mis la hache dans un programme de recherche sur les chauves-souris et le coronavirus qui était en cours depuis plus de 10 ans.
Il faut se rappeler qu’en 2002-2003, le coronavirus responsable de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) provenait de chauves-souris. L’animal a également été soupçonné d’être la source, en 2012, de l’épidémie de MERS (Middle East Respiratory Syndrome), bien que les données soient plus maigres de ce côté. C’est dans ce contexte qu’est né le programme géré par l’organisme américain à but non lucratif EcoHealth: depuis plus d’une décennie, celui-ci envoyait des équipes en Chine pour piéger des chauves-souris, prélever des échantillons de leur sang, de leur salive et de leurs crottes, et y chercher des traces d’un éventuel nouveau coronavirus. Le programme a été formalisé en 2014 par l’octroi de fonds des NIH (National Institutes of Health) principal organisme subventionnaire de la recherche en santé aux États-Unis.
L’objectif secondaire était d’identifier des zones plus à risque que d’autres de devenir un foyer de transmission d’un virus de la chauve-souris à l’humain. À lui seul, ce programme a permis d’identifier environ 400 coronavirus, dont un proche cousin de celui qui occupe la planète depuis cinq mois.
Mais il se trouve que l’un des collaborateurs-clefs de ce projet est l’Institut de virologie de Wuhan, celui-là même que le président Trump a accusé en avril d’être le responsable de la propagation de l’épidémie. Ses propres services de renseignement ont depuis mis en doute cette théorie, mais entretemps, le 24 avril, les NIH ont annoncé qu’ils s’en retiraient.
« Ce type de recherche est littéralement la raison pour laquelle nous savons pourquoi ce virus provient des chauves-souris » a résumé sur Twitter le journaliste scientifique Carl Zimmer. « Et il y a beaucoup plus de coronavirus de chauve-souris là-bas que nous n’avons pas encore étudiés. Ils pourraient devenir COVID-20, COVID-21, COVID-22 et ainsi de suite. »
C’est une opportunité manquée à plusieurs niveaux, ajoute sur les ondes de la radio NPR le président de l’Alliance EcoHealth, Peter Daszak: « les séquences génétiques des virus que nous trouvons dans la nature sont données à des laboratoires ici aux États-Unis, qui travaillent à les intégrer dans des projets de vaccins ou de médicaments afin que nous soyons mieux préparés s’il y a une émergence ». « C’est un horrible précédent », réagissait de son côté, dans la revue Science, le directeur du Laboratoire des maladies infectieuses émergentes à l’Université de Boston, Gerald Keusch: sabrer dans une recherche directement liée à une crise sanitaire mondiale, juste pour des raisons partisanes.
Le coup de hache dans ce programme a toutefois, depuis, été noyé par d’autres mauvaises nouvelles venues des États-Unis: le 3 mai, on apprenait que les chefs d’État des principaux pays du monde s’étaient engagés à verser 8 milliards$ pour la recherche sur un vaccin et des médicaments contre la COVID-19. Les États-Unis ont refusé de contribuer et n’ont pas participé à la rencontre.
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