La pandémie de COVID-19 provoque déjà un rebrassage des cartes géopolitiques, et accentuera la rivalité entre les grandes puissances, en plus d’accélérer le « transfert » de l’influence occidentale vers l’Orient. Voilà le constat des experts mandatés par le magazine The Economist, dans une analyse publiée cette semaine.
Dans l’analyse en question, il est ainsi postulé que la crise actuelle « ramènera à la surface des développements qui n’avaient pas été nécessairement soulignés », soit par exemple la façon dont la Chine a déjà établi des sphères d’influence dans certaines parties du monde qui passent « sous le radar ».
Sans surprise, la crise actuelle vient davantage détériorer les relations déjà difficiles entre les États-Unis et la Chine. Les premiers, où l’on retrouve le plus grand nombre de cas d’infection au coronavirus au monde, ainsi que le plus grand nombre de morts, accusent les seconds d’avoir tardé à agir pour contenir la pandémie, quand l’administration Trump ne va pas jusqu’à alléguer que ledit coronavirus a été fabriqué dans un laboratoire chinois, et ce même si les experts soutiennent que le virus est d’origine naturelle.
L’analyse du magazine confirme ainsi ce que d’autres médias avancent depuis quelques semaines: une guerre de désinformation est en cours. Car si les Américains avancent en effet que le virus est d’origine artificielle, ou encore que le bilan de la pandémie en Chine est bien plus important que ce qu’a voulu admettre Pékin, le pouvoir totalitaire chinois n’est pas en reste. Plusieurs responsables du gouvernement chinois ont ainsi affirmé que la maladie a plutôt fait son apparition aux États-Unis, et que non seulement Pékin a bien géré la crise, notamment en imposant un couvre-feu massif à plusieurs dizaines de millions de personnes, entre autres dans la métropole de Wuhan, mais que les démocraties occidentales ont « mal géré » la pandémie. À preuve, disent-ils, les totaux beaucoup plus élevés de personnes rendues malades et tuées par le coronavirus en Occident.
Toujours selon le rapport de The Economist, l’administration américaine pourrait également tenter de faire diversion en s’attaquant à la Chine, histoire de faire oublier sa mauvaise gestion de la crise sur le territoire national. Pour le président Donald Trump et son équipe, en effet, la reprise de l’activité économique est essentielle à court terme, afin de s’assurer que les électeurs soient satisfaits de la bonne marche de la société américaine avant d’aller voter dans le cadre de la présidentielle, en novembre. Même l’adversaire démocrate présumé du président, Joe Biden, a fustigé le chef de l’État, en affirmant qu’il avait salué « l’efficacité » et « l’ouverture » de la Chine, au début de l’année, plutôt que de poser les gestes nécessaires pour contenir la maladie en sol américain.
Pourtant, les États-Unis auront beau tempêter, la pandémie va accélérer le rééquilibrage géopolitique en direction de l’Orient, lit-on dans l’analyse. « L’impact économique négatif de la pandémie et des mesures d’atténuation de la crise pourrait s’étirer pendant longtemps au sein des économies développées de l’Ouest. Les mesures monétaires et fiscales extraordinaires qui ont dû être mises en place seront difficiles à renverser », ce qui pourrait prolonger l’endettement des nations, soulignent les experts.
De son côté, la Chine, puisqu’elle a été le premier pays à entrer et sortir du confinement, consacre déjà toutes ses ressources à relancer son économie. Elle devra agir dans un contexte de demande mondiale particulièrement faible, « mais une fois le pire passé, la Chine et les autres économies asiatiques en forte croissance devraient connaître une reprise marquée en raison de leurs avantages en matière d’investissements, d’innovation et de croissance de la productivité », lit-on encore.
Entre les États-Unis et la Chine, l’Union européenne sortira elle aussi affaiblie de la crise, croit The Economist. D’autant plus, dit-on, que les États membres n’ont pas agi de concert lors de l’éclatement de la pandémie, mais plutôt de façon désordonnée, en fermant notamment les frontières internes. Et la décision, par plusieurs pays, de bloquer les exportations de biens médicaux essentiels pour lutter contre la pandémie, a justement servi la Chine, qui a notamment pu profiter d’une publicité particulièrement positive en venant au secours de l’Italie.
L’impact économique du coronavirus sera plus que catastrophique