En plein référendum sur l’indépendance de l’Écosse, le vieux limier de la police d’Édimbourg, John Rebus, a repris du service après avoir pris une retraite bien méritée. Cette fois, dans le roman On ne réveille pas un chien endormi, publié en 2013 par Ian Rankin et traduit dans la langue de Molière deux ans plus tard aux Éditions du Masque, le passé télescope le présent, et Rebus sera de nouveau sur la corde raide.
Ce passé que l’on voudrait voir disparaître, c’est celui des premières années de Rebus dans la police, alors qu’en tant que jeune agent, il avait été entraîné par un certain groupe de policiers expérimentés à, disons-le, « courber » quelque peu la loi, quand il ne s’agissait pas simplement de poser des gestes illégaux pour s’assurer que les « méchants » finissent derrière les barreaux. Le hic, c’est qu’une nouvelle procureure générale a reçu comme consigne de faire le ménage, et une certaine affaire compromettante sera rouverte.
Voilà donc Rebus sur la corde raide, pendant qu’il doit aussi faire enquête sur ce qui ressemble à une sortie de route toute simple, mais qui finit par impliquer un ministre bien en vue, un homme d’affaires soupçonné d’aller jusqu’à la violence pour obtenir gain de cause, et, tiens donc, l’un de ses anciens collègues des premières années, qui est devenu un « homme respectacle » – ou, du moins, qui a les poches particulièrement profondes.
Tout cela s’embrouille rapidement, d’autant plus que Rebus a maintenant passé le relais à Siobhan Clarke, celle qui fut sa protégée, et qui est aujourd’hui plus haut gradée que lui. Cela devrait-il être le chant du cygne du célèbre inspecteur? Et que dire de M. Rankin, qui est toujours dans la force de l’âge, mais qui a tout de même près d’une vingtaine de romans à son actif, avec son personnage préféré comme personnage principal?
S’il est toujours intéressant de suivre les aventures policières de Rebus, c’est un inspecteur vieilli, aigri, toujours vif d’esprit, mais qui semble avoir perdu sa motivation principale. D’autant plus qu’à force de faire à sa tête et d’agir en fonction de son instinct, plutôt que de suivre les règles, il a fini par se mettre tout le monde à dos.
On ne réveille pas un chien endormi n’a pas non plus la structure traditionnelle d’un roman policier: à preuve, on introduit encore de nouveaux personnages au cours du dernier tiers du livre, chose qui est généralement un symbole de faiblesse scénaristique. Ici, cependant, on peut voir le tout comme une tentative de sortir du schéma narratif traditionnel, de justement quitter une forme littéraire pour tracer de nouveaux sentiers. Est-ce réussi? Pas tout à fait; on a encore l’impression que le personnage tourne un peu trop en rond, et les liens entre les deux époques, entre le présent et le passé de Rebus, sont un peu trop complexes pour le bien de l’histoire. Cela étant dit, on se réjouira malgré tout de voir que Rankin n’a pas perdu la main. À lire, y compris pour les amateurs du personnage.