L’assemblée annuelle de la compagnie pharmaceutique Biogen, au début de mars, aurait été l’un des premiers exemples aux États-Unis de ce que les épidémiologistes appellent des évènements de « super-propagation » de la COVID-19: lorsqu’un petit rassemblement de personnes conduit à un grand nombre d’infections.
Ces employés et administrateurs ont en effet pris l’avion ou leur voiture après la rencontre, et transporté le coronavirus de Boston, jusqu’à au moins six États américains et trois pays, dépassant la capacité des responsables locaux de la santé publique de retracer la propagation.
Au Québec, l’imposant mariage tenu le 16 mars à l’hôtel Crowne Plaza de Dorval — quatre jours après le décret gouvernemental interdisant les rassemblements – qui a propagé la maladie au sein de la communauté de l’influent homme d’affaires Michael Rosenberg — qui était lui-même aux soins intensifs au début du mois est une illustration du même phénomène.
C’est dans cette perspective que des chercheurs se sont intéressés à la propagation du virus en Chine, dans le temps et l’espace, et l’ont comparée à certaines villes à travers le monde. Leurs résultats préliminaires suggèrent que la propagation serait fortement liée à la migration d’une population ressemblant à un processus de Lévy – une fonction aléatoire représentant une évolution – caractéristique de la mobilité humaine et qui peut être contrôlée par des quarantaines efficaces.
En partant des données de propagation dans la province chinoise de Hubei, point de départ de l’épidémie, ils ont découvert deux étapes. Dans un premier temps, en quelques jours, la propagation est proche d’une constante, en raison du manque de détection des individus infectés. Dans un deuxième temps, on voit une désintégration presque exponentielle en raison de la quarantaine.
Mieux comprendre pour mieux combattre
Ces deux étapes pourraient expliquer les différences entre la Chine et la plupart des autres pays. Les villes chinoises ont plus rapidement appliqué les quarantaines qu’ailleurs. Mais aussi, il y aurait ces personnes qui sont plus susceptibles que d’autres de propager le virus au sein de leurs communautés. Mieux comprendre ces super-propagateurs pourrait aider à contrôler la pandémie de coronavirus.
De telles personnes peuvent infecter un nombre disproportionné d’individus, en raison d’habitudes sociales, ou de la génétique, ou simplement parce qu’elles se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment.
Il est donc crucial de trouver des moyens d’identifier les événements de propagation ou de les prévenir. Il importe aussi de distinguer ceux qui s’avèrent plus infectieux. Cela pourrait faire une énorme différence dans la vitesse avec laquelle une épidémie est contenue, soutient Jon Zelner, un épidémiologiste de l’Université du Michigan.
Il y aurait aussi deux facteurs en jeu, ajoute la professeure émérite de statistiques et de sociologie de l’Université de Washington, Martina Morris : « le lien entre les personnes susceptibles de propager l’infection et le degré auquel les personnes sont infectieuses; mais on manque de données sur ces deux choses ».
L’histoire médicale fourmille de ces récits de super-propagateurs. Qui se souvient de Mary Mallon, mieux connue sous le nom de « Mary Typhoïde »? Cette cuisinière n’était pas malade, mais elle était asymptomatique, infectée silencieusement par la fièvre typhoïde. Elle l’a transmise à plus de 50 personnes au cours des premières années du 20e siècle.
La super-propagation a également joué un rôle important dans les éclosions de deux autres coronavirus, le SRAS et le MERS. Un article paru en 2015 soutenait que l’éclosion du virus MERS-COV en Corée du Sud aurait eu pour source principalement trois personnes infectées: près de 75% des cas peuvent être liés à l’une ou l’autre de ces trois personnes.
De même, 61% des cas d’infections à l’Ebola en Afrique entre 2014 et 2016, les relient à seulement 3% des personnes infectées. Et dans l’actuelle pandémie, les super-propagateurs auraient également joué un rôle, comme le démontre l’assemblée de Biogen où 175 employés ont infecté 75% des 108 cas recensés au Massachusetts à la fin-mars.
La COVID-19, le Québec, et le financement congru de la santé publique