Tandis que le coronavirus poursuit sa progression à travers le monde, il est déjà possible de tirer quelques leçons de l’épidémie d’Ebola quant à l’importance de la confiance du public.
Les chercheurs américains derrière une récente étude ont examiné la réponse communautaire en Sierra Leone, l’un des pays les plus fortement touchés par l’épidémie d’Ebola en 2014. Un faible niveau de confiance peut en effet être dévastateur en cas d’épidémie et entrainer une contagion communautaire plus forte.
Menée dans 254 cliniques de santé gouvernementale pour un territoire de près d’un million de personnes – 15% de la population de la Sierra Leone – l’étude s’est penchée sur deux actions distinctes : des réunions d’information pour le public au sein de ces cliniques, nourries d’échanges sur les préoccupations envers la maladie et sa propagation, puis un programme incitatif visant le personnel des cliniques pour améliorer la qualité des soins.
La première mesure visait à transformer les patients en «agents de responsabilisation de leur santé » ce qui a abouti à une augmentation du taux de dépistage et à un confinement plus efficace, sanctionné par 30% moins de décès dans les zones où ces interventions étaient en place.
Les chercheurs soutiennent qu’il importe de dresser des ponts entre les soignants et les communautés qu’ils visitent, car cela permet de renforcer les messages de santé publique transmis à la population. L’implication du public dans les décisions de santé rend les communautés plus proactives dans la lutte sanitaire et augmente en retour la résilience des systèmes de santé.
Un apport important
Ce que l’expérience de l’Afrique peut apporter s’avère précieux, pense également l’anthropologue Paul Richards, de l’Université Njala de Sierra Leone et auteur de l’ouvrage Ebola: How a People’s Science Helped End an Epidemic (2016).
Le nom d’Ebola dans la langue mende était « bonda wote » ou « retournement de famille », une maladie qui obligeait les familles à changer leurs comportements de façon importante, en particulier dans la façon dont elles s’occupaient des malades.
De la même façon, la COVID-19 requiert des changements de la part de la population, pense l’anthropologue, spécialement pour protéger les plus âgés, qu’ils soient malades ou non.
Et les Sierraléonais ont montré beaucoup d’inventivité face à Ebola, en organisant localement des mesures de quarantaine – utilisées lors de la guerre civile de 1991-2002- avec les moyens du bord, en privilégiant les centres locaux de soin et de dépistage.
Ce qu’Ebola peut enseigner sur la quarantaine dans les pays occidentaux s’avère toutefois plus compliqué, comme l’a montré une récente poursuite contre l’État américain du Connecticut, qui avait imposé une quarantaine forcée à huit personnes en 2014, à la suite du retour de deux étudiants de l’Universté Yale et d’un immigrant du Libéria, où sévissait Ebola.
Les recommandations du Centre américain de contrôle des maladies (CDC) étasient alors un simple suivi personnel (self monitoring) durant la période d’incubation de 21 jours, et pas de quarantaine. C’est la raison pour laquelle la décision du Connecticut avait été contestée en Cour. La poursuite a été rejetée une première fois en 2017 puis amenée en appel. On attend toujours le jugement.
Des millions de résidents de plusieurs États américains ont été ces dernières semaines placés en confinement, moins contraignant que la quarantaine. Mais l’application de ces mesures vient avec son lot de confusion et d’incompréhension pour de nombreux citoyens. Et il y a un siècle, avec les épidémies de choléra et de maladies infantiles, les quarantaines étaient plus courantes: cette perte temporaire de liberté de mouvements était donc mieux acceptée.
Lorsque le message ne passe pas, le niveau de confiance de la population décroit, ce qui entraîne un manque de suivi du confinement ou des règles d’hygiène, avec tous les risques de propagation de la maladie que cela implique.