Il y a eu Silo, cet étonnant excellent coup littéraire de Hugh Howey, paru en 2012, qui réinventait certains des codes les plus surannés de la littérature post-apocalyptique, pour plutôt présenter une vision claire et originale de la vie après la fin du monde. Il y a maintenant Silo: origines, un regard plus terre à terre et, disons-le, déprimant, sur la volonté, chez certains, de triompher sur l’humanité elle-même.
Nous sommes en 2045, et Donald Green vient tout juste d’être élu à la Chambre des représentants des États-Unis. Convoqué par le sénateur Thurman, qui est également le père d’une ancienne flamme, Anna, Donald sera chargé d’une partie de la conception d’un abri servant aux travailleurs qui devront oeuvrer à stocker les déchets nucléaires de la planète entière, non loin d’Atlanta, en Géorgie. Cet abri, multiplié par 50, est en fait ce qui deviendra tout autant de silos où s’entasseront ce qu’il restera de la race humaine, une fois survenue l’annihilation de la planète.
Puisqu’il fait partie des privilégiés, ceux qui devront gérer les 49 autres silos à partir du silo central, Donald verra son existence s’étirer sur plusieurs siècles. Le programme de protection des reliquats de l’Amérique doit s’étaler sur 500 ans, après tout, et il y aura donc bien des allers et retours dans la gigantesque section où s’entassent des caissons cryogéniques. Une « faction » de six mois, et hop, au lit pour un sommeil sans rêves et à très basse température pendant plusieurs décennies.
À travers ces différentes époques, et en se déplaçant du côté de quelques autres silos, dont celui de l’héroïne du premier roman, Howey retrace non seulement les origines des silos, mais aussi les véritables intentions de ce groupe d’hommes, largement gavés de pouvoir et de privilèges, lorsque la construction du complexe a été décidée.
Bien entendu, ce morcellement scénaristique, avec près d’une dizaine de personnages, fait en sorte que l’on s’attache beaucoup moins facilement au héros, en l’occurrence Donald. Mais Donald est-il vraiment un héros? Embarqué malgré lui dans cette histoire abracadabrante impliquant rien de moins que la fin de la civilisation, il se retrouve à avaliser, en un sens, les décisions prises par des personnes plus haut placées que lui sur l’échelle du pouvoir. Cela fait-il de lui un simple pion? En fait, c’est probablement là que réside l’intérêt de ce Silo: origines. Devient-on automatiquement un facilitateur de l’exploitation et de l’injustice si nous sommes coincés de force dans un système duquel il est quasiment impossible de s’échapper? Quelle est la part de vérité dans tous ces grands principes évoqués pour justifier l’injustifiable? Et a-t-on éthiquement et moralement le droit de décider du destin de milliards d’individus en s’appuyant non seulement sur des faits tangibles, mais aussi sur des croyances aux accents fortement religieux?
Roman peut-être moins enlevant que l’original, Silo: origines apporte un éclairage nouveau sur ce monde post-apocalyptique dessiné de façon fort réussie par Howey. À lire.