Trois ballets, des signatures prestigieuses pour les trois chorégraphies de ces œuvres. Trois spectacles au sommet de la créativité en danse contemporaine. Une seule compagnie, la Nederlands Dans Theater (NDT), avec ses 25 danseurs exceptionnels pour cette soirée offerte par Danse Danse au Théâtre Maisonneuve, à Montréal. S’il y a un spectacle qu’il ne faut pas manquer cette année, c’est assurément celui-ci…
Le ballet du génial chorégraphe Hofesh Shechter ouvre la soirée. Dans Vladimir – c’est le titre du ballet –, une foule de danseurs en tenues de rue semblent se démener, batailler dans la vie contemporaine, tenter désespérément de vivre et de capter les rares occasions de joies et de plaisirs. Dans cette tentative d’atteindre le bonheur, dans cette joie paradoxale mêlée de mélancolie, certains sont emportés, happés par la mort absurde, sortis du décor de manière arbitraire.
Hofesh Shechter signe la superbe chorégraphie à la fois contemporaine et traditionnelle, avec ses tableaux magnifiques, ses pseudo-désordres, ses coordonnés subtils, toujours empreints de gaieté malheureuse. Et il signe également la musique, elle aussi grave, mais rayonnante comme la lumière. Le décor est réduit mais admirable. Des murs rouge sang servent d’accessoires aux danseurs pour mimer ce qu’on peut interpréter comme des scènes de violence parfois, de résignation aussi, d’absence au monde avec toujours la volonté de rebondir et de vivre intensément malgré tout. Le spectateur est tenu sous tension, une tension qui va crescendo et qui donne véritablement la chair de poule jusqu’à la fin.
Après un tel moment, durant l’entracte qui suit, on se dit qu’il sera difficile d’égaliser un tel ballet. Mais les deux suivants sont tellement inventifs, eux aussi, différents et magnifiques qu’on ne peut qu’être impressionné par la composition de l’ensemble.
La merveilleuse chorégraphe Cristal Pite signe le deuxième temps. Dans The Statement, quatre danseurs en tenue de jeunes cadres dynamiques se retrouvent autour d’une longue table pour le meeting animé d’une entreprise. Cristal Pite s’est fait une spécialité du théâtre dansé et le résultat pour ce ballet est totalement dans sa veine, magnifiquement drôle, esthétique et réussi. Le décor se réduit à cette longue table transparente et à une masse noire qui la surmonte en montant ou en l’étouffant, projetant son éclairage de bureau, mais aussi de prison, voire de force supérieure. Pas de musique, ou presque. Seulement les paroles plus ou moins creuses qui se disent lors d’une réunion de ce genre, mais sublimées et transformées par les mouvements et les performances des artistes.
Après le deuxième entracte, la scène s’ouvre sur un décor très élaboré, l’immense salle d’attente d’une ancienne gare de chemin de fer comme le fait entendre le passage d’un train. La salle est majestueuse, avec ses grandes portes et son haut plafond qui laisse entrer la lumière du jour. Pourtant tout est fait pour faire en sorte que les danseurs paraissent des géants. Sur une musique douce et romantique, la chorégraphie de Sol Leon et Paul Lightfoot présente des voyageurs élégamment vêtus de couleurs crème et un autre personnage qui s’en distingue par sa tenue noire d’employé de gare ou d’hôtel. Durant cette Singulière Odyssée pleine de beauté et de délicatesse, on croit percevoir la vision ou le rêve magnifié de ce personnage qui vit au milieu des nombreux voyageurs qui traversent la gare et sa vie, et qui disparaissent presque magiquement pour toujours.
Les danseurs de la troupe Nederlands Dans Theater sont extraordinaires et le spectateur sort comblé d’une soirée aussi remarquable.
NEDERLANDS DANS THEATER (NDT), du 10 au 14 mars 2020 au Théâtre Maisonneuve
VLADIMIR, de Hofesh Shechter
The Statement, de Crystal Pite
Singulière Odyssée, de Sol León & Paul Lightfoot