The Hunt c’est le titre anglais d’un très bon et troublant film danois, Jagten, sur les revers nocifs des fausses accusations de pédophilie. C’est aussi, désormais, un film américain qui n’a absolument rien à voir avec le drame qui mettait en vedette Mads Mikkelsen. On sait qu’on a habituellement en horreur les remakes, mais on aurait presque préféré que le long-métrage qui nous intéresse en soit un, plutôt que le véritable déchet qu’on nous inflige à sa place.
Ironiquement, le grand écran semble être un temple inaccessible pour Damon Lindelof, lui qui ne cesse de réinventer le petit écran à chaque décennie par le biais d’inoubliables et puissantes téléséries comme Lost et The Leftovers, qui lorgnent intelligemment vers le cinéma d’un point de vue technique, tout en s’appropriant narrativement les possibilités du format épisodique. À quelques rares exceptions près qui paraissaient plus « potables », chacune de ses propositions scénaristiques de long-métrage se sont avérées de véritables daubes et The Hunt, dont la prémisse, à défaut d’être originale, aurait certainement pu valoir le détour, ne vient pas changer la donne.
C’est l’effet The Interview qui nous revient en mémoire, ce film qu’on croyait condamné sous les menaces terroristes de la Corée du Nord, alors que The Hunt a été vivement critiqué par nul autre que Trump (qui n’a pas vu le film, évidemment). C’est qu’on nous raconte l’histoire d’une bande de bourgeois qui se réunissent chaque année pour tuer une bande de gens ordinaires par plaisir. Le résumé, qui évoque tout à la fois The Hunger Games, The Purge et ses semblables, aurait pu autant pencher vers la série B jouissive et macabre que la satire politique ingénieuse. Malheureusement, entre les mains de Jason Blum à titre de producteur, le film donne l’impression d’être tout à la fois, alors qu’en fait il n’est absolument rien d’autre qu’une insultante bêtise.
Au moins, The Interview ne frôlait pas le désastre qu’on attendait en se rangeant logiquement dans la filmographie de James Franco et Seth Rogen et ressassant leurs thématiques habituelles, soit, l’amitié masculine. Ici, on gâche à outrance le talent du réalisateur Craig Zobel qui, depuis l’excellent Compliance, son fascinant et perturbant dernier scénario (peut-être devrait-il se remettre à écrire), persiste dans son exploration de la paranoïa avec toujours un peu moins de personnalité.
Celui qui s’est fait une marque dans les atmosphères denses et épurées où se défendaient un nombre limité de personnages va ici dans toutes les directions. Dans des scénettes ridicules dignes d’une série B de luxe (l’effet Blumhouse oblige, avec ses maigres budgets qui paraissent dans chaque recoin, qu’importe à quel point on nous agresse d’une envahissante trame sonore dans le tapis), on fait autant dans le pastiche que dans l’humour boboche, en se débarrassant rapidement de tous les acteurs un tant soit peu connu qui auraient pu attirer les spectateurs (c’est moins cher comme ça aussi de toute façon).
On nous joue la carte d’un mystère sous la forme de l’identité d’une des actrices (annoncée sur tous les sites de cinéma et dans toutes les publicités, de toute manière), on nous recrée à l’échelle près le début des Hunger Games et on tente de nous faire avaler de la violence particulièrement gore qui vient encore davantage brouiller les pistes quant aux intentions du film.
Puisque voilà, en s’attaquant à tous les sujets chauds de l’heure (tous livrés dans d’atroces morceaux de dialogues sans la moindre subtilité, que ce soit la gentrification, l’immigration, et on en passe) et sans nécessairement vouloir se ranger d’un côté ou de l’autre, difficile de dire au bout du compte le camp du film, qui ne dénonce ni ne glorifie le port d’armes, dont était issue la controverse première face au projet.
Pire, le film s’auréole d’une révélation tellement tirée par les cheveux et si stupide que même Shyamalan aurait pris la poudre d’escampette si on la lui avait d’abord proposée.
On ne voudra donc pas passer plus de temps à parler d’un film aussi insipide et inutile qui risque néanmoins de satisfaire les grandes foules (panem et circenses continue encore de décrire la société, après tout), pour quiconque ne cherchera pas plus loin que le bout de son nez.
Pourtant la profondeur n’est pas si dure à établir quand on se force un tant soit peu, alors que même Escape Room (dont la suite devrait nous arriver en fin d’année) amusait à divertir sans mal et que The Oath (qui mettait également en vedette Ike Barinholtz, qui scénarisait et réalisait le projet), se jouait intelligemment de la politique pour en faire un divertissement chargé en rebondissements et en ingéniosités. De son côté, The Hunt est une horreur et définitivement pas dans le sens que Blum l’aurait souhaité.
2/10
The Hunt prend l’affiche en salles ce vendredi 13 mars.
Cinéma – André Forcier et sa bande viennent délirer dans votre salon