Confrontés à un vrai crime, comment se tireraient d’affaire les auteurs de romans policiers les plus célèbres de l’Angleterre des années 1930? Vous aurez la réponse en lisant Le Detection Club, une bande dessinée rocambolesque signée Jean Harambat.
Angleterre, 1930. Le Detection Club compte parmi ses membres la crème des auteurs britanniques de romans policiers, parmi lesquels G.K. Chesterton, Agatha Christie, Dorothy L. Sayers, le major A.E.W. Mason, la baronne Emma Orczy et le père Ronald Knox. Au moment même où il accueille un premier américain dans ses rangs (l’auteur John Dickson Carr), le Club reçoit une lettre d’un certain Roderick Ghyll, un milliardaire les invitant à se rendre sur l’île de Pentreath en Cornouailles afin d’assister à la « renaissance de la fiction policière ». Sur place, on leur présente « Eric », un automate-détecteur capable de trouver le coupable de n’importe quel crime une fois qu’on lui a transmis tous les faits. Cette nuit-là, Ghyll est projeté par la fenêtre de la chambre de sa villa, et plonge 50 mètres plus bas vers son funeste destin. Les sept romanciers dont le meurtre, du moins fictif, est la spécialité, sauront-ils élucider celui-ci?
Je n’avais jamais entendu parler du Detection Club, une véritable association littéraire qui existe d’ailleurs encore de nos jours, et Jean Harambat effectue un détournement historique comme on les aime avec cet album, où des écrivains bien connus deviennent à leur tour les personnages d’une fiction. Présentant en partant les dix règles du roman policier telles qu’établies par le père Ronald Knox afin de mieux les transgresser une par une par la suite, la bande dessinée prend plaisir à imaginer comment ces « professionnels du coup de théâtre » et ces « aventuriers du mystère » parviendraient à élucider (ou pas) une affaire criminelle bien réelle, rendant au passage un bel hommage aux « romans à énigme » des années 1930, et à leurs plus célèbres auteurs.
Le Detection Club est superbement écrit, et Jean Harambat multiplie les belles tournures de phrases, telle que « Un livre est une histoire d’amour entre voyelles et consonnes ». Débordant de flegme britannique et d’un humour pince-sans-rire, les dialogues sont très drôles, au point où on éclate de rire à voix haute à plusieurs reprises pendant la lecture de l’album. Un domestique offrant du thé à John Dickson Carr par exemple se fera répondre « Non merci, je suis américain ». La bande dessinée tire aussi profit de la rivalité constante entre ces énormes égos littéraires, et lorsque G.K. Chesterton déclare qu’on lui a demandé l’adresse de son tailleur, Agatha Christie réplique du tac au tac « Sans doute pour l’éviter »…
Plutôt que de cerner les personnages et les décors qu’il dessine avec une ligne de contour grasse, Jean Harambat les effleure délicatement, et n’a besoin que de quelques traits fins pour brosser une Agatha Christie ressemblante, une villa luxueuse perchée au sommet d’une falaise, ou un automate sorti directement d’un film de science-fiction des années 1930. Très agréables à l’œil, ses illustrations revêtent un côté à la fois et naïf et rétro, et la coloration de Jean-Jacques Rouger produit des aurores ou des crépuscules absolument éblouissants. Puisqu’il s’agit d’une bande dessinée littéraire, on compte souvent des paragraphes de texte à l’endroit où se trouverait normalement une case, et l’album se termine sur une bibliographie sélective des sept « personnages ».
Quelle agréable surprise que ce Detection Club! Non seulement la bande dessinée de Jean Harambat rend un hommage vibrant à l’âge d’or du roman policier, mais elle constitue aussi l’un des « whodunnit » les plus hilarants que vous n’ayez jamais lu.
Le Detection Club, de Jean Harambat. Publié aux éditions Dargaud, 136 pages.
Un commentaire
Chouette!
Je suis tombé dessus par hasard, en bouquinant, et je me le suis acheté, sans trop savoir ce qu’il en était…
Je suis heureux d’apprendre qu’il est aussi intéressant et amusant que ce qu’il semblait être!
Merci!