Twitter préparerait une nouvelle politique en vue des élections américaines de novembre, pour ajouter des étiquettes de couleur sous des messages affichant des informations mensongères ou de la désinformation, selon des reportages qui ont circulé vendredi.
Parallèlement, une vidéo publiée jeudi, dont le montage a été trafiqué par l’équipe du candidat milliardaire Michael Bloomberg, aurait été étiquetée « manipulée » par Twitter si cette nouvelle politique avait déjà été en place, mais elle a passé le test chez Facebook, selon des porte-paroles des deux compagnies cités par le magazine The Verge.
Les futures « étiquettes » chez Twitter prendraient la forme — du moins dans leur version préliminaire obtenue par des journalistes — d’avertissements sur un fond rouge ou orange, qui auraient à peu près la même taille que le tweet original, et qui seraient ajoutées immédiatement en-dessous. La provenance d’un jugement tel que « trompeur » ou « fallacieux » (misleading) n’est pas claire: s’appuierait-il sur des reportages produits par des médias « accrédités » ou sur un système de « points » attribués par une « communauté » ?
Chose certaine, cet effort pour écarter des messages électoraux délibérément mensongers, se distingue de la politique de Facebook, qui a refusé en octobre dernier —au contraire d’autres plateformes— d’annoncer qu’elle refuserait les publicités électorales contenant des mensonges. Il y a bel et bien chez Facebook une politique interdisant les publicités mensongères, mais les publicités électorales, a réitéré Mark Zuckerberg en décembre, en sont exemptées.
Pour ne pas déplaire à un des deux camps
Il y a une dimension méconnue à cette politique de non-intervention de Facebook: la compagnie semble avoir développé la hantise de déplaire aux républicains. Une hantise, ont révélé plusieurs reportages depuis les élections de 2016, qui est nourrie par les élus républicains eux-mêmes, eux qui ont régulièrement accusé Facebook d’être biaisée en faveur des démocrates.
Un reportage du Washington Post rappelait justement cette semaine que même des efforts en apparence légitimes pour bloquer des comptes diffusant du contenu raciste ou haineux ont été bloqués ou adoucis depuis trois ans, de peur d’être perçus comme des attaques à sens unique contre un des deux partis politiques —puisque de tels comptes se retrouvent beaucoup plus souvent dans l’orbite des élus républicains que dans celle des élus démocrates.
Les plaintes ont éventuellement cultivé l’idée que les conservateurs étaient injustement ciblés par ces gestes et par des politiques de longue date, comme celles prohibant les discours haineux. Les décisions de bannir le théoricien du complot Alex Jones et la vedette de l’extrême-droite Mino Yiannopoulos en 2019, qualifiés de « dangereux », ont généré des accusations de censure de la « Big Tech ».
Même le partenariat avec des médias vérificateurs de faits (fact-checkers) institué par Facebook en décembre 2016, a été ciblé par des élus républicains, qui ont accusé la vérification des faits d’être biaisée.
Et c’est dans ce contexte que s’inscrirait le refus de Facebook (et d’Instagram, propriété de Facebook) de bloquer les publicités électorales mensongères. Ce ne serait pas, selon le Washington Post, une question d’argent —les revenus que cela représente constituent une petite fraction des revenus mondiaux de Facebook— mais un effort pour ne pas déplaire au parti au pouvoir.
De la même façon, Facebook a également — au contraire de Google — résisté en décembre et en janvier aux appels à contrôler l’accès au « micro-ciblage » que peuvent avoir les publicités électorales —c’est-à-dire la possibilité de cibler des auditoires extrêmement précis, un facteur qui aurait joué en faveur de Trump en 2016. La seule ouverture de Facebook a été la nouvelle fenêtre, créée en janvier, qui permet de voir en un même endroit toutes les publicités électorales payées par tous les candidats —mais la quantité est telle qu’il est humainement impossible de les passer en revue pour quiconque voudrait par exemple analyser le nombre de vérités et de mensonges. Le magazine The Atlantic évaluait ce mois-ci qu’en 10 semaines, de décembre à février, 14 000 publicités contenant le mot impeachment ont été diffusées au nom de Trump.