S’inspirer des recherches menées sur le vivant pour rendre les procédés miniers plus éco-responsables, est-ce possible? « Ce qui nous intéresse, c’est de remplacer les produits chimiques utilisés lors de la séparation des minerais par des particules organiques dégradables et moins nocives », explique l’ingénieur chimique Alain Garnier, de l’Université Laval.
C’est plus particulièrement chez les virus et les peptides que le Pr Garnier puise son intérêt. Les peptides sont de petites séquences d’acides aminés – des composants de base de la vie. Certains de ces « assemblages » tirés du vivant pourraient s’agencer à des minéraux afin de faciliter le processus de séparation (ou « flottation »), dès les premières étapes, celles qui suivent l’extraction minière.
Pour séparer ce « bon grain de l’ivraie », les chercheurs font appel à des bactériophages – certains virus avides de bactéries – qui aident les chercheurs à faire le tri. La recherche rapide de peptides reçoit quant à elle un coup de pouce de nouvelles technologies développées en génétique (séquençage en profondeur) ou par l’industrie alimentaire et la santé (apprentissage automatique).
Car il s’agit de traiter des milliards de petites informations assez rapidement pour mettre la main sur les composés organiques les plus susceptibles de s’attacher aux particules métalliques intéressantes pour l’industrie: or, argent, nickel, cuivre… Le travail ne fait que commencer: il reste encore à trouver les meilleurs « couples », pour que l’industrie minière soit intéressée à remplacer les produits existants.
« Nous avons testé des candidats dans les banques de peptides pour observer les interactions avec le minerai. Il nous faut trouver les meilleurs et à coût moindre, mais cela fonctionne », soutient le chercheur du Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux de la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval.
Le côté passionnant à ses yeux de cette avenue « verte » de procédés miniers, c’est l’apprentissage que les chercheurs acquièrent sur les interactions entre les minéraux et les peptides. Entre l’inanimé et l’animé.
« Nous connaissons des interactions entre le monde du vivant et les minéraux, il n’y a qu’à regarder les métalloprotéines. Par exemple, l’hémoglobine présente dans les globules rouges du sang, qui contient du fer. Mais nous n’en sommes qu’à nos premiers pas dans les interactions possibles entre des composés organiques et des cristaux », note le Pr Garnier.
Les travaux de recherche exploratoires vont se poursuivre en collaboration avec le Centre d’expertise et d’innovation COREM, un groupe dédié à la recherche et au développement en traitement de minerais, et grâce à un financement d’un million de dollars issu d’un partenariat public-privé entre des universités et des compagnies minières.
Vers un développement minier plus durable
« Il y a effectivement des choses à améliorer du côté du traitement », commente Thomas Pabst, chercheur à l’Institut de recherche en mines et environnement (IRME) de Polytechnique Montréal, qui n’a pas participé à cette recherche. « J’espère surtout que ces procédés, en plus d’être un peu moins polluants, pourront mener à une amélioration de la récupération, voire être employés — je ne suis pas un expert du domaine — pour la désulfuration ou le retraitement des anciens parcs à résidus miniers. Le projet vient juste d’être financé, il faudrait voir dans quelques années les retombées concrètes de tout cela, mais c’est clairement encourageant. »
Néanmoins, l’ingénieur minier pense que le terme « écoresponsable », utilisé pour promouvoir cette recherche, reste un peu exagéré et qu’une «extraction verte» ne peut pas vraiment exister. « Le travail des mines consiste à extraire une ressource non renouvelable. Elles ne peuvent donc pas, par essence, être « vertes ». C’est pour cela qu’on préfère parler de développement responsable plutôt que durable », précise le Pr Pabst.
Les chercheurs de l’IRME étudient plutôt la préservation de l’environnement dans les opérations minières, par exemple la valorisation des rejets miniers (ce qu’on appelle l’économie circulaire) ou la prise en compte des changements climatiques. « La question environnementale ne se résume pas à la qualité de l’eau. Prenez les catastrophes du Mont Polley [en Colombie-Britannique], de Samarco [au Brésil] ou plus récemment de Brumadinho [rupture d’un barrage au Brésil], elles montrent que la stabilité géotechnique des digues est aussi un défi majeur en environnement. C’est un exemple parmi d’autres, mais qui illustre l’importance de voir les opérations minières dans leur globalité », tranche le chercheur.
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