Le duo de DJ français Bon Entendeur était de passage à l’Olympia ce vendredi lors d’une soirée incroyablement groovy dans un Montréal enneigé et prêt à se transformer en immense garden-party. Portrait de ces énergumènes qui renouvellent le savoir-faire français de la musique électronique.
Bien connu, d’abord sur le web, pour ses mixtapes aux accents irrévérencieux, le trio composé de Nicolas Boisseleau, Arnaud Bone et Pierre Della Monica est apparu bien content d’enfin en découdre avec le public montréalais, manifestement composé d’une grande proportion d’expatriés français.
Car la musique de bon entendeur rejoint bel et bien la fibre nationaliste de l’Hexagone. Dans leur bidouillage sonore sont intégrées une multitude de pistes reprenant – dans une certaine absurdité ou un certain humour bon enfant, c’est selon – des citations de personnalités françaises bien connues: des excuses faussement larmoyantes et embarrassantes de Dominic Strauss Kahn aux tirades surréalistes et blasées de Frédéric Beigbeder en passant par le nationalisme de Patrick Poivre d’Arvor. Bon Entendeur sait jongler avec l’échantillonnage de ces citations loufoques ou irrévérencieuses prises hors contexte, et réussit à brillamment les intégrer à l’intérieur d’un collage électro à la facture rétro complètement déjantée.
De ces expériences sonores est né un premier album, intitulé Aller-Retour, sorti le en juin 2019 dans lequel le collectif explore le remixage de chansons phares de la francophonie des années 60 et 70, superposés à un rythme électronique langoureux. De la French Touch bien assumée comme nous n’en avions pas vu depuis un certain temps et qui se hisse sans effort au palmarès de leur compatriotes seniors comme Air ou Daft Punk.
Disons-le d’emblée, ce groove, cette new-wave tellement ringarde qu’elle en est totalement assumée, était du pur bonbon ce vendredi à l’Olympia. Les vers d’oreille d’Isabelle Pierre (Le temps est bon), Jean-François Maurice (28 degrés à l’ombre), Nino Ferrer (La rue Madureira) lévitaient littéralement au-dessus du public, devenu partie prenante de ce voyage dans le temps. Amplifiées par l’espace, ces fréquences donnaient l’impression de flotter au-dessus de Saint Tropez de la France yéyé. Il y avait quelque chose d’absolument irrésistible à se délecter collectivement de cette pop bonbon à la touche surannée rafistolée à la sauce actuelle.
Car la musique de Bon Entendeur a quelque chose d’absolument Français; peut-être par la nature de ses palpitations sonores graves et langoureuses magistralement restituées vendredi soir, ou encore par ce merveilleux sentiment d’être témoin d’un beach-party arrosé de Ricard et autres maillots rayés des années 60, en tant qu’une sorte de réminiscence d’un passé nostalgique. En ce sens, les projections de vidéos d’archive évoquant cette France d’antan qui défilaient derrière la scène visaient dans le mille.
Bon Entendeur poursuivit son concert pendant une bonne heure et demie, accompagnant le public jusqu’au sommet, avant d’atterrir en finale avec cette version d’outre-tombe de 28 degrés à l’ombre de Jean-François Maurice. Tout doucement, la tempête de neige qui s’abattait sur Montréal pouvait reprendre le dessus sur la chaleur qui s’estompait. À bon entendeur, salut!