Voué à l’échec avec son revirement abracadabrant, sa réalisation défaillante et son appropriation bizarroïde de plusieurs clichés culturels, un petit miracle de Noël a pourtant eu lieu avec Last Christmas, un film au public bien précis qui a certainement trouvé ses spectateurs en devenant un succès inattendu en quadruplant pratiquement son budget. Il est désormais en DVD, juste à temps pour les petits cœurs romantiques de la St-Valentin.
On s’attendait pourtant à l’événement. Bien que les scénarios d’Emma Thompson soient surtout des manières de lui donner des rôles lui offrant des contre-emplois, comme les deux Nanny McPhee l’ont fait et comme c’est le cas ici, c’était surtout son grand retour à la comédie romantique du temps des fêtes, après l’inoubliable Love Actually où son segment avec le regretté Alan Rickman a certainement brisé bien des cœurs au fil des ans.
Il s’agissait également de sa première collaboration avec Paul Feig, un spécialiste de la comédie autant sur petit que sur grand écran, capable toutefois du pire comme du meilleur, ayant décidé de livrer son projet le plus dramatique après l’inusité A Simple Favor, un Gone Girl des pauvres qui manquait cruellement de tonus. C’est également une approche franchement différente que son dernier essai au film de Noël, soit, son beaucoup plus familial et enfantin Unaccompanied Minors.
De fait, exit la folie cruellement mésestimée de son Ghostbusters, l’intemporalité du jouissif Bridesmaids ou la majorité de ses projets avec Melissa McCarthy, en fait, puisque le voilà qu’il se tourne vers la romance, change de continent (pour lequel il avait déjà démontré un intérêt avec le délicieux Spy) et prouve à nouveau comment il parvient toujours à tirer le meilleur des charmes de sa distribution, principalement de ses actrices. Mieux, l’histoire qu’a confectionnée Emma Thompson avec son mari et co-écrit avec Bryony Kimmings pour son premier scénario s’amuse allègrement avec des personnages colorés pour rehausser constamment le côté plus conventionnel du film, qui dure peut-être un peu trop longtemps.
Il y a par ailleurs un désir de diversité assez proéminent, tout comme une envie de dégager un commentaire politique et social (il y a tous ces propos sur le bénévolat, la pauvreté et l’itinérance) qui apportent de beaucoup la profondeur plus sérieuse du long-métrage, outre la chute incroyable mais vraie que le film a décliné en adaptant la chanson de George Michael et son groupe Wham! au grand écran. Cela devient en effet la force et les faiblesses principales de l’ensemble.
Ainsi, qu’importe les charmes irrésistibles de Emilia Clarke qui, à l’instar de Chris Hemsworth, s’avère tout simplement naturelle en comédie, c’est d’ailleurs Feig qui a été le premier à faire ressortir cette facette inattendue de Hemsworth dans un rôle inoubliable dans Ghostbusters, difficile de croire aux origines yougoslaves de son personnage. Cela s’avère bizarrement important en y apportant toute une dimension sur l’immigration qu’on ne développe jamais vraiment autre que d’offrir à Emma Thompson un rôle complètement caricatural où elle s’amuse sans mal avec un gros accent.
On apprécie néanmoins la présence de Michelle Yeoh malgré le rôle un peu ingrat qu’on lui accorde et craque pour tout le reste de la distribution des plus petits rôles aux plus grands. Des nombreux Lydia Leonard à Ansu Kabia, en passant par Ritu Arya notamment, la distribution pourrait difficilement être plus diversifiée avec ses couples interraciaux, ses personnages de différentes origines et ce petit clin d’œil à l’homosexualité alors que c’est le tout n’est pas nécessaire en fonction du scénario, saut, peut-être, quand vient le temps de donner un avis sur le Brexit.
S’il y a toutefois une chose qui faut retenir du film, c’est sans conteste la force tranquille de Henry Golding, alors que Feig renoue avec lui et lui permet beaucoup plus de liberté que dans leur dernière collaboration malgré un personnage tout autant limité. Ainsi, avec peut-être ce que Ritchie lui a fait faire dans le tout récent et amusant The Gentlemen, c’est sans mal sa meilleure performance à ce jour, beaucoup plus que dans Crazy Rich Asians qui l’a fait connaître à tous.
Avec une aisance d’un naturel désarmant qui lui permet d’être charmant et espiègle à la fois, voilà un film qui offre à un acteur l’opportunité de revamper les codes de l’intérêt amoureux d’une comédie romantique. Non seulement de lui accorder un nouveau visage, mais aussi de simplement s’en remettre à la performance du comédien (ses charmes se font sans qu’il se déshabille et ont beaucoup à voir avec ce qu’il représente et les valeurs auxquelles il croit).
Ceci étant dit, on ressort surpris de Last Christmas, d’abord parce que la révélation finale est aussi particulière, mais aussi parce que malgré tous ses défauts le film fait ce qu’on attend de lui et fait du bien et ultimement fonctionne quand même. On finit par s’attacher à la quête de sens à la vie de la protagoniste tout comme des conseils qu’elle s’approprie du mystérieux Tom.
Enfin, il faut absolument saluer l’édition qu’a concoctée Universal, puisque leur générosité est carrément extraordinaire, ce qui est de plus en plus rare dans le domaine. La majorité ou presque des suppléments sont présentés par le réalisateur Paul Feig lui-même dont l’enthousiasme est carrément rassembleur, surtout sur sa piste de commentaires audio. (À noter que si la pochette parle d’une piste de commentaires audio avec Paul Feig et Emma Thompson, celle-ci se retrouve probablement sur le blu-ray avec un peu plus de suppléments, puisque celle disponible sur le DVD est seulement avec Feig).
On retrouve probablement plus d’une heure de suppléments et s’ils ne sont pas tous justifiés (il y a un segment de deux minutes qui montrent seulement des moments de tournage où le réalisateur apparaissait dans le cadre), on apprécie leur présence. Il y a après tout un début et une fin alternative, pas moins de quinze minutes de bloopers et même vingt minutes de scènes supprimées, alternatives ou allongées qui laissent comprendre pourquoi le montage est plutôt déficient à de très nombreux moments du film.
Si les deux minutes qui montrent les acteurs qui se gèlent le cul changera peut-être la perception glamour du cinéma de certains, on doit avouer qu’un des suppléments les plus réussis est ce segment de six minutes qui montrent Emilia et Emma en train d’essayer de ne pas rire en tournant une scène qui est effectivement très drôle dans le film.
Au final, Last Christmas a déjà tout ce qu’il faut pour devenir un nouveau classique, aussi inattendu cela soit-il. Un film fait pour un public et une raison précise qui, si on décide de s’y abandonner, fonctionne certainement à ses heures.
Last Christmas est disponible en DVD et en combo blu-ray et DVD depuis le 4 février.