Ah, quoi de mieux, après un roman évoquant la colère et l’envie de tuer, et avant d’évoquer un essai abordant la terrifiante question de la lente autodestruction de notre civilisation, qu’un roman racontant la fin de notre civilisation et la multiplication de créatures ayant le besoin primal de consommer de la chair fraîche? Nécropolitains, de Rodolphe Casso, transforme suffisamment les clichés de l’univers des morts-vivants pour devenir un roman particulièrement prenant, où l’on découvrira la capitale française sous un tout autre angle.
Voir Paris et mourir, veut le dicton. Et pour cause: la France, et probablement le reste de la planète, a été dévastée par la multiplication des zombies. Dans une base militaire de la banlieue, le capitaine Franck Masson se tourne les pouces, plus d’un an après la fin de la civilisation. Appelé à retourner dans la Ville lumière pour y explorer trois enclaves humaines, il y sera confronté au meilleur comme au pire de l’humanité.
C’est connu, le pire ennemi de l’humain, même après une apocalypse zombie, n’est pas ces hordes de mangeurs de chair qui ne meurent que lorsque leur cerveau est détruit, mais plutôt ses propres congénères, poussés dans leurs derniers retranchements par la nécessité de survivre à tout prix. Faut-il s’unir? Si oui, selon quelles règles? Assistera-t-on au retour de la loi du plus fort, à l’émergence de principes de vie commune garantissant la pérennité des derniers représentants de l’humanité, ou à quelque chose entre les deux?
Résolument amoureux de Paris, en plus d’être un fin connaisseur des divers quartiers qui forment cette ville plus que millénaire, Casso s’amuse franchement en décrivant d’abord les lieux visités par le capitaine Masson, puis ses habitants. Sous sa plume, les personnages ne sont pas simplement des rescapés de l’apocalypse, mais plutôt (et surtout) des citoyens, des humains, chacun avec son passé, sa personnalité, ses passions, ses rêves, ses craintes, son occupation, etc. Il en résulte des interactions particulièrement colorées entre notre protagoniste et ces survivants, et donc un roman qui tient davantage de la saga que du simple roman épisodique.
Un lecteur ne connaissant pas Paris éprouvera peut-être quelques problèmes à s’y retrouver, tant les descriptions des divers quartiers sont à la fois complètes et complexes; cela étant dit, tout roman du même genre se déroulant ailleurs, par exemple à New York, ou toute autre grande ville du monde, rencontrerait le même type de problème. Et soyons honnête: cela est franchement agréable de pouvoir lire un roman post-apocalyptique, avec des zombies, de surcroît, qui ne se déroule pas aux États-Unis, que ce soit à New York, encore une fois, à Washington, ou dans une autre grande ville américaine du genre.
À quand, alors, les romans similaires dont l’action se déroulerait à Tokyo, à Rome, ou encore à Buenos Aires? Moscou a bien sa série de livres post-guerre nucléaire, rien n’empêche que d’autres grandes capitales jouissent de la même notoriété.
De son côté, Nécropolitains, sous la plume particulièrement adroite de Rodolphe Casso, réussit pratiquement un sans faute. Le titre a beau avoir des airs de brique, avec 600 pages bien comptées, on le dévore rapidement, à l’image d’un mort-vivant devant un humain bien juteux. Et pas besoin non plus d’avoir lu PariZ, le premier roman de cette « série » qui est en fait composée de deux titres indépendants.
Non, la seule ombre au tableau – et c’est ici une petite grisaille, rien de plus –, est que certains aspects du scénario, notamment la troisième partie du roman, sont convenus. Non pas que les clichés du genre soient utilisés à tort ou à travers, mais il faut reconnaître que cette dernière section des aventures du capitaine Masson ne seront pas aussi novatrices ou surprenantes que les deux premières parties du roman.
Qu’à cela ne tienne, Nécropolitains s’impose comme une nouvelle référence du roman de science-fiction post-apocalyptique. Joussivement accrocheur, le livre trouvera aisément sa place dans la bibliothèque de l’amateur, voire même celle du curieux.
Nécropolitains, de Rodolphe Casso, publié aux éditions Critic, 600 pages.