« Dis-lui que je l’aime! », lance André à son fils, en parlant de sa femme, qui est au bout du fil. « Mais qu’elle aille chier », pensera encore le père de famille. Cette déclaration et cette réflexion viennent particulièrement bien résumer Travers l’autoroute, une bande dessinée de Sophie Bienvenu et Julie Rocheleau tout juste lancée aux éditions La Pastèque.
Cette dichotomie est en effet au coeur de l’univers trop calme, trop morne, trop ennuyant de la vie de banlieue. La grosse maison, l’adolescent qui s’ennuie à mourir, la flamme de la passion qui a disparu depuis belle lurette. Voilà donc André, au volant de la voiture de sa femme, qui se retrouve sur l’autoroute un dimanche pour aller faire des courses en vue d’un souper imprévu avec amis de sa femme et de lui-même. Mais s’agit-il davantage d’amis de sa femme que de ses amis à lui? Quoi qu’il en soit, « les gens ne viennent pas souper, d’habitude », le dimanche soir. Et pour cause: c’est Tout le monde en parle.
À ses côtés, dans l’auto qui roule sur l’autoroute, son fils de 16 ans, dégoûté par l’immobilisme de sa vie et l’absence d’amour entre ses parents, s’enferme dans son mutisme et sa musique, les écouteurs bien carrés dans ses oreilles.
L’histoire est connue, et pourtant… pourtant, le style visuel, parfois plus terre à terre, parfois complètement éclaté… l’utilisation des couleurs, des styles d’écriture pour signifier un changement de narrateur, tout cela permet de réinjecter une dose de nouveauté dans ce que chantait, en gros, Arcade Fire sur son album The Suburbs.
Arrivera pourtant cet instant de tous les dangers, cette quête de l’aventure, du renouveau, cet instant où l’on cherchera à rallumer la flamme. Ce moment où il faudra traverser l’autoroute.
Une oeuvre qui donne envie de vivre à nouveau, de donner quelque peu dans la folie, bref, de faire autre chose que répéter sans cesse la même routine du métro-boulot-dodo, Traverser l’autoroute est une oeuvre courte, puissante, efficace. Un ouvrage à lire pour se faire sourire, pour se donner espoir, pour se rappeler que l’amour n’est pas mort, que la vie n’est pas terminée. Même s’il faut être coincé dans le trafic, matin et soir, pour aller et revenir du travail au centre-ville…