Le concept de démocratie a pris bien du plomb dans l’aile, en 2019, alors que des manifestations ont ébranlé bon nombre de pays, et que les dirigeants autoritaires ont continué de gagner en pouvoir et en influence, révèle un récent rapport de la publication The Economist.
Dans cette 12e édition du Democracy Index, le constat est donc clair: les nations démocratiques se sont retrouvées aux prises avec de graves problèmes politiques, sociaux et économiques. De fait, à peine 13% des pays, abritant tout juste 5,7% de la population mondiale, sont considérés comme des démocraties « pleines et entières », écrivent les chercheurs. Dans cette très courte liste, on compte notamment la France, l’Espagne, l’Allemagne, les pays scandinaves, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande, les Pays-Bas et le Canada.
Le Royaume-Uni, malgré tous les déboires politiques, sociaux et économiques associés au Brexit, demeure membre de ce club sélect.
Viennent ensuite les « démocraties en difficulté »: les États-Unis, le Mexique, la Pologne, l’Italie, l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Indonésie, la Corée du Sud, le Japon, l’Argentine et le Brésil font notamment partie de cette liste, chacun pour des raisons à la fois différentes et similaires.
Quelque part entre les démocraties parlementaires et les régimes autoritaires, un petit nombre de pays errent en eaux troubles, notamment la Turquie, dont les caractéristiques démocratiques continuent de s’effriter; le Pakistan; l’Algérie, où la crise politique et sociale ne semble pas déboucher sur une solution viable à long terme pour l’instant, ainsi que l’Ukraine, où l’élection d’un nouveau président n’a pas encore permis d’établir si l’ancienne république soviétique, envahie par son ancien maître russe, est en mesure de se libérer des chaînes de la concentration extrême du pouvoir entre les mains d’un petit nombre d’individus.
La grande majorité des régimes parlementaires demeurent des régimes autoritaires, quand il ne s’agit pas carrément de dictatures. Et puisque la Chine se retrouve sur cette liste peu enviable, une bonne portion de la population mondiale est de facto classée comme vivant sous un régime autoritaire.
Sans surprise, non plus, la Corée du Nord ferme la marche, avec les plus faibles résultats selon les critères évalués par l’équipe de The Economist. La République démocratique du Congo, la République centrafricaine, la Syrie et le Tchad sont eux aussi en bas de classement, tout comme le Yémen, la Libye, l’Arabie saoudite, ou encore l’Iran et Cuba.
« Récession »
« Nous traversons une récession démocratique », concède Larry Diamond, spécialisé dans les questions démocratiques. Ce chercheur indique que la tendance est particulièrement marquée dans les pays en développement.
Le rapport de The Economist s’appuie par ailleurs sur divers sondages effectués par le Pew Research Center, sondages qui démontrent régulièrement l’effritement du sentiment démocratique à travers le monde.
Aux yeux de la publication économique, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce qui ressemble à une régression des structures politiques et sociales. D’abord, « l’accent prononcé sur la gouvernance des élites, plutôt que sur une démocratie participative », « l’influence croissante des institutions et des experts non élus qui ne sont pas redevables », « la disparition de divers enjeux de la place publique, qui font alors l’objet de décisions prises derrière des portes closes », « l’élargissement du fossé entre les élites et les électeurs », ainsi que « le déclin des libertés civiles, y compris la liberté de la presse et la liberté d’expression ».
Il est toutefois possible de constater certaines améliorations. Selon le rapport, la participation électorale est en hausse dans les cinq régions du monde ayant fait l’objet d’un examen. « Il est vrai que cette amélioration découle du fait que les valeurs de base étaient faibles ». Cela révèle, écrit-on, la plus grande faiblesse des démocraties à travers le monde, soit la faible participation des électeurs, que ce soit par dépit, par lassitude, parce que les options offertes ne conviennent pas au plus grand nombre, ou pour d’autres facteurs qui ne sont pas explicités dans l’étude.