Les nombreuses critiques dont a été l’objet l’actrice Gwyneth Paltrow pour ses produits pseudoscientifiques, n’ont pas empêché sa compagnie de grossir. En fait, ces critiques ont peut-être même aidé sa compagnie à grossir.
Le « cycle » peut sembler familier, écrit le magazine de vulgarisation scientifique Undark: une célébrité fait une déclaration; des experts, interviewés par les médias, apportent des preuves comme quoi c’est une fausseté; plutôt que de s’en excuser, la célébrité rejette ces critiques —et reçoit dans le processus une quantité de publicité gratuite.
Gwyneth Paltrow elle-même, dans un portrait que lui consacrait le New York Times Magazine en 2018, disait que de tels « feux d’artifices culturels » lui permettaient de « monnayer des clics » (« I can monetize those eyeballs »).
Les critiques viennent de reprendre de plus belle, avec l’annonce d’un partenariat avec Netflix: l’émission mettra en vedette l’actrice et ses « collègues » de sa compagnie Goop, explorant une série de « pratiques alternatives de guérison », incluant la « guérison par l’énergie », l’exorcisme et les médiums.
Plusieurs médecins et scientifiques ont fait part de leur frustration devant cette décision de Netflix de donner au petit empire qu’est devenu Goop, une plateforme supplémentaire. Au Québec, le pharmacien Olivier Bernard, alias le Pharmachien, a rappelé que de « diffuser ce genre de pseudoscience peut être dangereux ».
Mais rien de tout cela n’a rebuté Paltrow, pas même le fait d’avoir dû payer une amende de 145 000$ en 2017 pour publicité trompeuse sur un oeuf de jade à insérer dans le vagin. Elle continue de construire son argumentaire sur le fait que « les femmes se sentent ignorées lorsqu’elles parlent de ce qu’elles ressentent à leurs médecins », et qu’elles veulent en conséquence « explorer » des pratiques de santé alternative « et avoir une autonomie sur leur santé ».
Son succès s’inscrit par ailleurs dans un contexte plus large où, pour une grande partie de la population, les conseils d’une célébrité sur la santé ont plus de poids que les études scientifiques. Même des influenceurs sur Instagram s’en rendent compte et se bâtissent une clientèle à partir de conseils douteux sur des aliments « miraculeux ».
Détail important, autant ces influenceurs que Goop visent une clientèle qui est relativement aisée: capable de se payer du jus exotique là où un verre d’eau aurait fait l’affaire, un gilet « en soie italienne » de 650$, une bouteille de 30 suppléments de vitamine B à 90$ ou de l’eau « infusée de cristal d’améthyste » à 84$.
Critiquer Goop serait-il inutile ? Ce n’est sûrement pas l’avis du professeur en droit de la santé Timothy Caulfield, de l’Université de l’Alberta, lui qui a publié en 2015 un livre intitulé Is Gwyneth Paltrow Wrong About Everything? Interrogé par Undark, il explique qu’à court terme, « ça peut faciliter la foutaise — vous la répandez — mais je pense qu’à long terme, il est important de s’assurer que ce qui est scientifiquement exact soit là », enregistré quelque part sur Internet. Il note aussi que si les premières réactions à ses critiques, il y a quelques années, étaient que les « conseils santé » de Paltrow, bien qu’étranges, étaient sans risque, « plus personne ne dit cela. Il y a cette prise de conscience comme quoi la diffusion de la désinformation est quelque chose de grave ».