Dans le Chicago de la fin des années 1960, où affirmer que le climat social est délétère relève d’un sacré euphémisme, Smokey Dalton, détective privé à ses heures, se retrouve avec un trio de cadavres sur les bras. Tout, bref, pour possiblement mettre le feu aux poudres, alors que font déjà rage des émeutes raciales meurtrières.
Quatre jours de rage, écrit par Kris Nelscott et publié aux Éditions de l’aube, est un roman policier, d’abord, mais surtout un roman social. Car si Smokey mène discrètement son enquête pour tenter d’identifier les corps retrouvés dans le sous-sol d’un bâtiment qu’il devait inspecter – et, incidemment, tenter de débusquer le ou les meurtriers –, il devra faire preuve de beaucoup de prudence. Non seulement parce que son ancienne fréquentation et actuelle patronne, une Blanche, est soupçonnée de malversations après avoir hérité de l’entreprise familiale après le décès de son père véreux, mais aussi parce que lui, un Noir, pourrait être accusé de « pactiser » avec l’ennemi. C’est l’époque des Black Panthers et des exécutions de militants et de contestataires par la police. C’est l’époque de la violence aveugle.
Roman aux teintes de couleurs de fin d’après-midi, avec l’odeur âcre des relents de gaz lacrymogènes et de l’échappement des grosses cylindrées des sixties, Quatre jours de rage se déguste lentement, comme un bon scotch. Peut-être un peu trop lentement, d’ailleurs. Bien entendu, le lecteur explorera avec Smokey cet ancien bloc appartements qui recèle un passé sinistre, un peu à l’image d’un La vie, mode d’emploi, de Georges Perec, qui aurait mal tourné. Mais l’enquête policière elle-même, la tentative de Smokey de faire la lumière dans cette étrange affaire traîne quelque peu. Assez pour que l’on commence à avoir davantage envie que l’auteure se penche sur le cas des émeutiers et des Black Panthers, par exemple.
Cela a probablement à voir avec le fait que ce roman est le troisième d’une série. Un peu difficile, sans doute, de s’attacher à des personnages, voire à une atmosphère ou à un déroulement scénaristique, si l’on débarque comme un chien dans un jeu de quilles.
Malgré tout, le lecteur ne se fait jamais montrer la porte, et il est envisageable, dans le pire des cas, de s’initier à cet univers par la même méthode employée par ce journaliste. Le tout permet malgré tout de profiter d’une expérience littéraire intéressante, et qui éclaire un peu plus cette période floue et sombre de l’histoire américaine.
Quatre jours de rage, de Kris Nelscott. Publié aux Éditions de l’aube, 438 pages.