Hilarante comédie sur un sujet particulièrement léger, Les filles et les garçons, présentée à La Licorne, permet au spectateur de passer un moment plus qu’agréable et de ressortir de l’institution culturelle sans aucune colère, aucune peine, et aucune désespérante sensation de froid à l’intérieur de soi.
Écrite par le Britannique Dennis Kelly, traduite par Fanny Britt et mise en scène par Denis Bernard, Les filles et les garçons est le récit plus que poignant d’une mère de famille confrontée à l’horreur la plus pure: celle de perdre ses enfants aux mains de son (ex-) mari.
Tout avait bien commencé, pourtant. Volubile, à l’aise en public, cette femme, interprétée dans la version montréalaise par une excellente Marylin Castonguay, nous explique comment elle a rencontré son futur mari, le tout avec un humour décapant, et une franchise parfois stupéfiante. Rapidement, pourtant, on comprend que quelque chose ne va pas: les monologues à saveur souvent humoristique sont entrecoupés de séquences où on revit des moments d’agacement, voire de colère de notre protagoniste envers ses enfants. Et puisque nous ne la voyons jamais être une mère aimante, cela veut-il dire qu’elle n’était pas une bonne personne? Qu’elle a négligé sa progéniture? Impossible le savoir. « Je me souviens seulement des moments de chicane », dira-t-elle, après avoir raconté l’un de ces épisodes.
Cela ne change cependant rien à l’inéluctable: son ex-conjoint, le père de ses enfants, se lancera lentement, mais sûrement, dans une spirale autodestructrice qui le conduire à commettre l’impensable.
Présentée sous la forme d’un long monologue de près de deux heures, Les filles et les garçons ne se veut pas une charge contre la masculinité toxique, ou encore un duel de valeurs entre hommes et femmes. Après tout, le double infanticide s’est produit, impossible de revenir en arrière. Pas question, d’ailleurs, d’utiliser l’inutile expression « drame familial », trop souvent employée dans les médias, mais plutôt de raconter lentement l’inéluctable, d’aborder la question de la désagrégation progressive du couple, de la fin de la vie de famille, de la fin de l’amour. Ni moralisatrice, ni simplement passive, la pièce porte forcément à réfléchir sur la question de la vie à deux et de ce que l’on est prêts à endurer au nom de l’idéal de l’amour.
Pièce diablement efficace, pièce sobre, pièce magnifiquement triste, Les filles et les garçons est une oeuvre essentielle pour notre époque où les structures sociétales sont encore telles que les infanticides sont presque tous commis par des hommes. À voir, et à méditer.
Les filles et les garçons, de Dennis Kelly, mise en scène de Denis Bernard, avec Marilyn Castonguay. Présentée à La Licorne jusqu’au 22 février.