Étrange proposition que cette minisérie sur Dracula, d’abord diffusée sur la BBC, puis sur Netflix quelques jours plus tard. Étrange, en effet, mais pas dénuée de charme, même si cette proposition télévisuelle de la part de la même équipe qui dirigeait Sherlock, Mark Gatiss et Steven Moffat, part hélas un peu dans tous les sens.
Dans un château éloignée de la Transylvanie, le comte Dracula reçoit chez lui un simple avocat, Jonathan Harker, qui doit l’aider à officialiser une transaction immobilière en Angleterre. Le compte veut aller s’installer à l’étranger, et il faut donc compléter divers travaux administratifs avant de procéder. Bien entendu, Dracula cache un sinistre secret…
Les amateurs de vampires qui ont lu le classique de Bram Stoker, ou qui ont vu Nosferatu, le film de 1922, seront immédiatement en terrain connu. Plutôt que de céder aux sirènes du divertissement en accéléré qui pollue trop souvent les écrans, de nos jours, les créateurs de cette minisérie ont plutôt choisi la voie de la réflexion et des dialogues. Point de série d’horreur, ici, si ce n’est quelques passages plus ou moins effrayants – que l’on peut voir dans la bande-annonce presque mensongère diffusée sur Netflix –, mais plutôt un rythme presque lent, avec de longs échanges entre les protagonistes et la création d’une atmosphère glauque à souhait.
Bien entendu, on introduit quelques variations ici et là, comme cette soeur du nom de Van Helsing, qui vient en aide à M. Harker, ou encore toutes ces étapes scénaristiques s’appuyant sur le concept de mort-vivant, mais dans l’ensemble, l’oeuvre originale est ici respectée pratiquement à la lettre. Le tout nécessite un certain temps d’adaptation, mais il est rare que l’on puisse, avec bonheur, savourer une série sans se préoccuper du fait qu’il soit possible qu’elle soit indûment prolongée en raison de sa popularité inattendue. Ici, nous avons droit à trois épisodes, pas plus.
Les deux premières sections de cette minisérie sont d’ailleurs de petits bijoux de scénario et de tension pratiquement uniquement due aux dialogues et au jeu des acteurs. Saluons ici le travail de Claes Bang, l’acteur danois qui interprète le plus célèbre des vampires. Audacieux, implacable, mais aussi drôle, ou encore terriblement séduisant par moments, Bang joue un Dracula plus qu’agréable à écouter. On se prendrait pratiquement à se ranger de son côté, devant des humains gauches et faibles.
Le hic, c’est qu’après un revirement de situation particulièrement inattendu à la fin du deuxième épisode, la troisième partie de la minisérie force le spectateur à s’intéresser à de nouveaux enjeux, de nouveaux personnages, et à recréer péniblement l’ambiance et l’atmosphère qui avaient été délicatement sculptées pendant près de trois heures au préalable.
Sans donner trop de détails, au risque de gâcher la surprise, cette transformation en profondeur donne un peu l’impression que les scénaristes, s’étant « peinturés dans un coin » après deux épisodes, ont tenté de donner un nouveau souffle à une aventure qui aurait pu, soyons honnête, se conclure en deux parties, plutôt que trois.
L’exercice n’en reste pas moins intéressant, ne serait-ce que pour prouver qu’il existe un marché télévisuel pour les oeuvres classiques, et, surtout, pour les oeuvres intelligentes qui prennent le temps de bien faire les choses.