Nous subissons tous le passage du temps, et s’il n’est pas toujours évident de vieillir et d’être confronté à sa propre fin, Étienne Davodeau, Christophe Hermenier et Joub ont décidé d’aborder le thème de la cinquantaine avec intelligence et humour, avec la bande dessinée Les couloirs aériens.
À vingt ans, du haut de cette jeunesse qu’il croyait éternelle, Yvan regardait les quinquagénaires comme des hommes finis, en bout de route. C’est maintenant son tour d’atteindre cet âge fatidique, et en l’espace de quelques mois à peine, il perd tour à tour son père, sa mère et son boulot. Après toutes ces années d’existence, le ventre a poussé, ses cheveux, comme ses enfants, se sont tirés, et sa tendre moitié est toujours en voyage d’affaires à l’autre bout du monde. Hanté par l’impression d’être seul et oublié de tous, Yvan décide de se réfugier dans le Jura, chez ses amis de toujours, Thierry et Sandra, où il débarque avec des boîtes et des boîtes d’objets contenant l’essentiel de ses cinq décennies sur Terre. En pleine crise existentielle, Yvan saura-t-il se réconcilier avec l’idée de vieillir?
On pourrait penser qu’une bande dessinée existentialiste, où le personnage principal tourne en rond comme un fauve enfermé dans une maison de campagne qui n’est pas la sienne, envisage sa propre mortalité, dresse le bilan de sa vie à travers les nombreux objets qu’il a accumulés et tente de se rapprocher de sa famille et de ses anciens amis, pourrait être un tantinet déprimante, mais avec beaucoup d’humanité et un humour aigre-doux rappelant celui du film Sideways, Les couloirs aériens utilise cette crise de la cinquantaine qui guette la plupart d’entre nous pour multiplier les séquences loufoques et les tirades faisant sourire. Alors que le héros affirme qu’il se souviendra longtemps de ses cinquante ans par exemple, son comparse rétorque : « Sauf si tu choppes Alzheimer. Ça arrive à cet âge-là ».
Étienne Davodeau, Christophe Hermenier et Joub sont amis depuis les années 1980, et Les couloirs aériens, dont le scénario a été écrit à six mains, bénéficie de l’expérience de cette équipe bien rodée. La coloration lumineuse de Joub agrémente à merveille les lignes en mouvement de Davodeau, et les illustrations opposent les angoisses et les insomnies nocturnes d’Yvan à la sérénité des paysages enneigés du Jura. Cette épaisse couche blanche, recouvrant comme un voile le monde réel et ses emmerdements, devient une allégorie de l’hiver symbolique, celui de la vie, que traverse le héros bedonnant et dégarni. Le récit est entrecoupé de pages complètes remplies de photos d’objets du quotidien (bibelots, vaisselle, lampes, dentier, etc.) prises par Christophe Hermenier.
Bien qu’on parle de plus en plus du vieillissement de la population, le vécu des gens d’un certain âge est largement absent de l’art et de la culture populaire, et c’est ce qui donne une grande pertinence aux Couloirs aériens, une bande dessinée qui aborde le thème de la cinquantaine avec philosophie, et humour.
Les couloirs aériens, d’Étienne Davodeau, Christophe Hermenier et Joub. Publié aux Éditions Futuropolis, 112 pages.
Rendez-vous avec la mort: pas de vacances pour Hercule Poirot
Un commentaire
Pingback: Critique Les couloirs aériens - Patrick Robert