Avec Axel, le Cirque du Soleil se contente d’en mettre encore une fois plein la vue via une mise en scène époustouflante, qui s’avère cependant régulièrement plus impressionnante que les numéros en soi. Le comble pour un spectacle d’abord de patinage et de cirque.
Établi depuis longtemps comme le Disney des cirques, à l’instar de la souris capitaliste, le Cirque du Soleil sait repousser les limites techniques et théoriques pour livrer des propositions qui ont de quoi aguicher le regard. Dommage que ce qui est devenu une nécessité d’empressement a certainement encore de quoi nous laisser sur notre faim, alors que les pions dévoués d’une équipe, mais visiblement épuisés, se retrouvent impuissants devant une machine certainement trop grande et puissante pour eux.
À noter que les communiqués remis à la presse ne précisent aucun des noms des interprètes, à l’inverse de l’équipe créative, ce qui expliquera pourquoi ceux-ci demeureront anonymes dans le texte ici présent.
Ainsi, seulement deux ans après l’impressionnant Crystal, voilà qu’on nous dévoile Axel, qui abuse un peu trop des éléments qui avaient le mieux fonctionné, tout en retravaillant maladroitement ceux qui posaient problème, n’offrant ici que bien peu de chair autour des os.
On apprécie alors d’avoir délaissé le désir d’une histoire imposante, celle-ci handicapant souvent beaucoup la simplicité souvent plus efficace de ces spectacles qui ne demandent que plus de liberté pour assurer leur fluidité. La narrativité en prend ici souvent pour son rhume et on laisse se perdre dans un chaos souvent détonnant des personnages importants qui n’agissent pas toujours de manière claire aux yeux des spectateurs.
Le protagoniste est ainsi d’abord musicien et chanteur pour laisser la musique l’emporter à nouveau, transformant souvent l’aréna en véritable arène pour un opéra rock inattendu. Si les reprises par des interprètes de talent fonctionnaient il y a deux ans, on y repensera deux fois avant de se prononcer sur celles que nous massacre à coup de vocalises insistantes le jeune Australien Jayden Sierra.
Nos doutes débutent lorsque le spectacle s’ouvre sur la version de Mad World de Tears for Fears reprise par Gary Jules et popularisée par le film Donnie Darko, et ne s’estompent guère pendant Diamonds de Rihanna. Il faut l’avouer, concevoir un numéro final entier sur Jump Around de House of Pain, qui ne lève tout simplement pas, ce n’est pas croyable!
On y préfère de loin le très joli numéro précédant l’entracte, alors qu’un combat majoritairement dansé avec plein de dispositifs lumineux de toutes sortes, se produit sous les airs irrésistibles de You Should Be Dancing des Bee Gees.
À défaut de les sous-utiliser d’un point de vue narratif, on essaie de recycler les interprètes, qui ont souvent droit à plus d’un numéro pour se mettre en valeur. Seulement, vu l’immensité de l’aréna, pas toujours facile de bien les voir s’exécuter, les projections en direct des multiples caméras sur place ne servant que bien peu. De grands écrans pour les spectateurs plus éloignés (la majorité de l’audience quand même) ne seraient certainement pas de refus!
Et disons que le chien-robot, bizarrement arrangé et qui a certainement de quoi faire rigoler tous les adultes avec un esprit un peu tordu, ne rend probablement pas justice aux beaux costumes qu’a conçu Nicolas Vaudelet.
Puisque voilà, au final, ce qui est probablement le spectacle le plus coloré que la compagnie a jamais offert est un spectacle de visuels. Oublions le virevoltant pas de deux sur patin, le numéro de chaînes ou même le numéro essentiel d’équilibre sur échelle, la véritable vedette ici, c’est ce qui accompagne le tout, de la scène jusqu’aux éclairages, sans oublier les projections vidéos.
On est ainsi ébloui par la maîtrise des effets visuels, comme durant l’entraînant numéro de diabolo qui ne serait rien sans ses couleurs chatoyantes. Il en va de même lorsque les projections transforment toute la patinoire en véritable nuage.
Tout est d’une beauté à couper le souffle et cela attire habituellement bien plus notre attention que les numéros qui se déroulent en même temps. Comme quoi un numéro de bâtons et de sabres a bien peu de poids face à l’immensité des lumières qui séduisent le regard, d’autant plus que tous ces numéros, même si on a essayé de les remodeler grâce à une autre approche ou en ajoutant la variable des patins, nous ont certainement déjà été montrés dans des versions précédentes plus inspirées.
Et puis bon, autant le dire tout de suite, pour parents ou enfants, l’attention étant ce qu’elle est, rien n’est plus important à nos yeux, lorsqu’il y a du feu ou de la pyrotechnie, pour dévier notre intérêt de place.
Axel se présente alors comme un spectacle techniquement au point, alors que ceux derrière les spectacles de mi-temps des Superbowl doivent déjà prendre des notes, toute la maîtrise visuelle ayant de quoi rendre n’importe qui jaloux. On regrette seulement que tout le reste soit si fade et peu engageant, ni même convaincant. Comme l’ombre néanmoins lumineuse d’un spectacle qui aurait mérité à être travaillé et retravaillé encore et encore. Espérons que le Cirque du Soleil n’essaiera pas de nous offrir un nouveau spectacle sur glace aux deux ans, et qu’il prendra soin de bien le peaufiner avant de le présenter, peu importe le temps que cela prendra.
5/10
Axel est actuellement présenté au Centre Bell jusqu’au 29 décembre, alors que des représentations ont été ajoutées. Le spectacle partira ensuite en tournée dans une quarantaine de villes en Amérique du Nord.