Sept ans après la parution de son premier roman, Amelia Gray voit enfin la parution de Menaces, la traduction de Threats par Théophile Sersiron, aux Éditions de l’Ogre.
D’emblée, je dirais qu’il s’agit là d’un objet pas ordinaire et qui peut difficilement laisser indifférent. Quelque part, dans un lieu méconnu, Amelia Gray doit bien avoir les deux pieds sur terre. Mais ce lieu, nous l’ignorons et c’est donc sa tête que nous suivons, en plein dans les nuages entretenus par David, ce jeune veuf dont on ignore encore comment la femme est morte. Est-ce un accident? L’a-t-il laissée mourir par négligence? Mystère.
Ce qui est certain, c’est l’effet dévastateur du deuil sur le peu de santé mentale qui restait au pauvre David. En effet, ce dentiste, déchu pour avoir manqué aux règles de sa pratique (il a voulu extraire les vers qui causaient les caries dans les dents d’un enfançon!), semble entraîné dans une schizophrénie sans fin. Il est persuadé que sa porte d’entrée a été électrifiée et invite donc les policiers qui enquêtent sur la mort de femme à entrer par la fenêtre du salon. C’est là le début d’une longue série de symboles qui sont offerts au lecteur sans nécessairement être accompagnés des clés permettant d’y voir clair. Qu’on pense au sous-sol dans lequel on empile tout ce que l’on ne veut pas voir, quitte à ce que la vie qui se met à grouiller là-dedans décide de venir cogner à la porte pour demander à sortir. Ou encore aux guêpes qui ont envahi le garage, où s’est installée une pseudo thérapeute sans le dire à David, et que personne ne songe à chasser (les guêpes ou la thérapeute, au choix).
Trop bien partie dans ses nuages, Gray fait tout ce qu’il faut pour éviter de distinguer le vrai du faux, en semant un brin de folie dans chacun des personnages secondaires, comme l’enquêteur, l’ancienne patronne de sa défunte femme ou encore la dame qui passe ses journées à relaver et à plier des piles de vieux vêtements.
Menaces, c’est une incursion à la fois sordide et joyeuse dans un lieu complètement déjanté où cherchent à se réfugier les âmes en peine. On n’en sort pas indemne.