Jacques Cartier avait décrit ce grand pingouin lors de son premier voyage dans la région, en 1534. Trois siècles plus tard, l’espèce était virtuellement éteinte. La dernière observation remonte à 1844. Une étude vient d’identifier le responsable de son extinction.
Et sans grande surprise, c’est l’humain. À l’image des pigeons voyageurs et des dinornithiformes —des oiseaux non volants qui étaient uniques à la Nouvelle-Zélande— le grand pingouin de l’Atlantique nord a été poussé à l’extinction par la chasse.
Les biologistes estiment qu’il y en avait des millions chaque été, rassemblés dans divers lieux de ponte tout autour de l’Atlantique nord, de Terre-Neuve jusqu’à la Norvège. Comme cet oiseau de 80 cm de haut ne pouvait pas voler, il était facile à attraper, et les marins en appréciaient le goût. À proximité de Terre-Neuve, « en moins d’une demi-heure, nous en avons rempli deux bateaux », écrit Jacques Cartier dans le récit de son premier voyage. Au cours des générations suivantes, il serait également chassé pour ses oeufs et ses plumes.
Pour leur étude, dirigée par la biologiste Jessica Thomas, de l’Université Swansea en Grande-Bretagne, les chercheurs ont récolté des échantillons d’ADN de 41 os de ces grands pingouins conservés dans divers musées. Et le résultat suggère que l’espèce était suffisamment diversifiée génétiquement pour survivre encore longtemps: « nos données n’apportent pas le moindre indice comme quoi le grand pingouin était à risque d’extinction » avant les années 1500.
Ce ne sont d’ailleurs pas que les Européens qui l’ont chassé. L’archéologie a révélé au fil des années qu’il faisait aussi partie de l’alimentation des Inuits du Groenland et des Béothuks de Terre-Neuve. Par ailleurs, il était connu des riverains de la Mer du Nord depuis des siècles. Mais les voyages en Amérique, puis le développement d’une pêche commerciale au 18e siècle, ont sonné son déclin.
La profession de naturaliste, encore embryonnaire, n’a même pas eu le temps de l’étudier: certains experts avaient commencé à tirer la sonnette d’alarme sur sa rareté dans la première moitié des années 1800, et la dernière observation solide, en 1844, est celle de deux marins qui, sur une petite île islandaise, ont tué deux pingouins pour en ramener la peau… sa valeur ayant augmenté à cause de la rareté de l’oiseau.