Le président américain Donald Trump a tenté, « pendant plusieurs mois », « d’utiliser les pouvoirs liés à sa fonction pour solliciter de l’interférence étrangère à son avantage, en vue de l’élection présidentielle de 2020 ». Voilà le verdict sans appel d’un rapport publié mardi par le comité sur le renseignement de la Chambre des représentants.
Le volumineux document, rendu disponible après plusieurs semaines d’auditions en privé et en public par différents représentants démocrates influents, dont Adam Schiff, bête noire du président Trump, vient alourdir quelque peu l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête du chef de l’État. Pour ce dernier, cependant, il s’agit plutôt d’une nouvelle preuve de la « corruption » de ses adversaires, qui ont « lancé une chasse aux sorcières » pour « renverser les résultats de l’élection de 2016 ».
Comme le rapporte le New York Times, le rapport avance également que le bouillant président a cherché à « saper la démocratie américaine » et a « mis en danger la sécurité nationale », avant de « tenter de dissimuler ses gestes aux yeux du Congrès ».
Selon les auteurs, il n’y a qu’une seule solution aux problèmes constatés par les membres du comité: la destitution. Voilà pourquoi ledit comité recommande d’aller de l’avant avec la procédure, qui passera éventuellement entre les mains du Sénat, après un vote à la Chambre. Mais si le vote en question risque de ne pas poser problème, ce palier décisionnel étant sous contrôle démocrate, au Sénat, sous contrôle des républicains, la procédure d’enquête pourrait s’embourber dans les procédures. Nul doute, après tout, que le Parti républicain tentera de protéger son président contre une destitution à moins d’un an de l’élection.
Au coeur de l’affaire ukrainienne, on retrouve cet appel de M. Trump, passé au président nouvellement élu de l’Ukraine, Volodymyr Zelenski, au cours duquel il demande à son homologue de « lui rendre un petit service » et de lancer une enquête pour corruption en lien avec Burisma, une entreprise ukrainienne pour laquelle a travaillé Hunter Biden, le fils de Joe Biden, vice-président de Barack Obama et actuellement meneur dans la course à l’investiture démocrate – et donc adversaire présumé de Donald Trump en novembre 2020.
En échange de cette enquête, les États-Unis accepterait de « dégeler » de l’aide militaire déjà prévue et destinée à soutenir l’effort de guerre de Kiev dans l’est de son territoire national, en partie envahi par des rebelles prorusses et les forces du Kremlin depuis déjà plusieurs années.
À Donald Trump, qui a assuré que son appel avec M. Zelensky était « parfait », et qu’il n’a jamais imposé d’échange « donnant-donnant », ce qui serait un motif de destitution, les démocrates ont répliqué que la simple évocation d’un tel échange était tout aussi condamnable. Que l’aide militaire ait finalement été livrée n’y change rien, disent-ils. D’autant plus que certains médias ont récemment révélé que la Maison-Blanche avait finalement transféré l’aide militaire après avoir appris que des plaintes avaient été déposées en lien avec le fameux coup de fil entre les deux présidents, en juillet dernier.
Au dire du Times, les débats entre les deux partis devraient être particulièrement acrimonieux au comité judiciaire de la Chambre, quant à savoir s’il faut bel et bien accuser le président de crimes graves et de méfaits, soit la barrière constitutionnelle permettant d’autoriser une destitution.
Toujours selon le rapport, le président n’est pas le seul acteur dans cette affaire; son vice-président, Mike Pence, ainsi que de son secrétaire d’État, Mike Pompeo, tout comme le secrétaire à l’Énergie Rick Perry et le chef de cabinet par intérim Mick Mulvaney, étaient « soit au courant des tentatives du président », ou « étaient directement impliqués dans le cadre de celles-ci ». L’avocat personnel du président, Rudy Giuliani, est lui aussi placé au banc des accusés par le rapport, alors qu’il aurait personnellement supervisé les démarches pour obtenir une enquête sur la famille Biden, en plus de tenter d’accuser une compagnie Ukrainienne d’avoir conspiré avec les démocrates pour influencer la présidentielle de 2016.
Cette théorie, abondamment reprise par le président, provient en fait des services de propagande russe, pour faire oublier l’implication de Moscou dans le processus électoral, en 2016, affirment des experts.
Chez les républicains, on multiplie les attaques, en affirmant tour à tour que les preuves sont inexistantes, que les deux présidents n’ont jamais évoqué de situation « donnant-donnant », et que le processus est « vicié et injuste ».
À un an de l’élection présidentielle, alors que les républicains plus modérés ont soit décidé de ne pas se représenter aux prochaines élections, ou ont été muselés, nul doute que l’affrontement politique et idéologique se poursuivra dans les officines de Washington et partout aux États-Unis, les principaux candidats à l’investiture démocrate souhaitant tous que M. Trump soit mis en accusation, et possiblement destitué.