Si les biologistes ont passé depuis longtemps l’époque où parler de comportement homosexuel chez les animaux était tabou, il n’en reste pas moins que ce comportement reste pour eux un casse-tête, du strict point de vue de l’évolution: comment concilier le fait qu’on en trouve dans des centaines d’espèces séparées par des millions d’années?
On en compte à présent plus de 1500, allant des étoiles de mer aux grands singes en passant par les serpents ou les canards. Or, la biologie nous apprend que tout comportement qui n’apporte pas ce qu’on appelle un « avantage évolutif » est à risque de se perdre au fil des générations: c’est d’autant plus vrai s’il s’agit d’un comportement « coûteux » —en efforts, en énergie, en temps. Celui-ci pourrait-il avoir un « avantage évolutif » qui n’aurait pas encore été élucidé?
Dans une analyse parue récemment dans Nature Ecology and Evolution, un groupe de cinq biologistes survole les hypothèses émises au fil des décennies. L’une d’elles, la plus courante, suppose que le comportement homosexuel serait apparu à un moment de l’évolution chez un de nos lointains ancêtres: or, beaucoup de traits biologiques qui sont répandus à travers plusieurs branches du monde animal sont présumé être apparus de manière indépendante chez plusieurs espèces. Découlant de cette hypothèse de « l’ancêtre unique », est la vision binaire traditionnelle, qui divise le champ en comportements homosexuels d’un côté et bisexuels de l’autre: or, écrivent les auteurs dans le Scientific American, un renversement de perspective pourrait conduire à imaginer les populations animales capables de s’engager dans « un spectre de comportements sexuels » incluant les deux types traditionnellement décrits, ou une combinaison des deux.
Dans cette perspective, la diversité observée chez ces 1500 espèces animales (d’autres seront sans doute ajoutées à la liste) pourrait être vue comme l’héritage d’un lointain passé où les premiers animaux sexués tentaient de s’accoupler sans distinction avec des individus de tous les sexes —et une fois sur deux, ça produisait « l’avantage évolutif » attendu.
S’il s’avérait que ces chercheurs ont raison, il faudrait également réviser la prémisse même de « l’avantage évolutif » et des « coûts »: « La faible valeur (évolutive) du comportement homosexuel est souvent présentée en la comparant avec les bénéfices d’une relation avec un individu de l’autre sexe. Bien que cette dernière puisse certainement conduire à des avantages plus élevés à travers la production de rejetons, cette comparaison assume que cette forme de relation sexuelle est efficace. Or, des animaux s’accouplent souvent plusieurs fois pour ne produire que quelques rejetons et (des accouplements) peuvent ne pas conduire à la reproduction pour une foule de raisons. »
Une partie du mystère, concluent-ils, vient aussi du simple fait que la recherche dans ce domaine est encore très jeune, les comportements homosexuels ayant jusqu’à très récemment été traités comme des anomalies peu dignes d’intérêt, « basées sur une notion préconçue de la façon dont le monde doit fonctionner ».
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