C’est dans la controverse qu’Atlantique a reçu le convoité Grand prix au plus récent festival de Cannes. Un film pourtant magnifique à la poésie absolue. Comme ce fut le cas dans les dernières années pour plusieurs des films francophones les plus acclamés du festival, Netflix s’en est emparé.
À la blague, on pourrait dire que le premier long-métrage de Mati Diop est une adaptation d’une chanson de Stefie Shock. Effectivement, il y a difficilement une phrase qui pourrait mieux résumer Atlantique que celle-ci: « Un homme à la mer pour chaque fille amère. » Sauf qu’heureusement, dans cette critique socio-culturelle bien précise, il y a bien plus à découvrir, surtout que le film a plusieurs surprises dans son sac.
De celle qui a eu son premier grand contact avec le cinéma auprès de nulle autre que Claire Denis, on y découvre un désir de réalisme fait dans les règles de l’art. Là où l’on vient nous surprendre et nous séduire à la fois, c’est dans cette appropriation des limites du septième art pour en faire un conte magnifié constamment par une beauté envahissante (la magnifique direction photo de Claire Mathon, également au générique cette année de l’encensé Portrait de la jeune fille en feu, ou l’envoûtante trame sonore de Fatima Al Qadiri, notamment), mais aussi par ce réalisme magique habile et maîtrisé.
Le film nous amène donc près de Dakar où les conditions de travail sont de plus en plus insoutenables et où rêver d’un avenir meilleur s’ajoute aux idéaux des travailleurs. Un jour, les hommes d’un village en ont assez et décident de tout abandonner pour traverser l’océan afin d’accéder à ce qui pourrait bien faire subsister à la fois leurs plus grands désirs, mais aussi leurs familles.
Ce revirement inattendu ne sera pas facile à avaler pour Ada, promise d’un jour à l’autre dans un mariage arrangé, alors que son cœur était pourtant déjà pris par Souleiman, l’un des travailleurs en question.
Ensuite, les choses deviendront de plus en plus bizarres alors que le film explorera la figure fantomatique ou celle du djinn et que le destin de ceux qui ont quittés se précisera toujours un peu plus.
Certes, le rythme presque contemplatif et ces détours moins grand publics dans l’étrange pourraient certainement en faire décrocher plusieurs (le film ne s’est après tout pas seulement valu des éloges, malheureusement), mais la sincérité de la distribution et l’immense savoir-faire du long-métrage devraient pourtant justifier qu’il soit vu à grande échelle.
C’est que l’exercice est toujours de plus en plus fascinant et que le film, si l’on retire ses dernières minutes qui ajoutent un épilogue dont on n’avait pas nécessairement besoin, un peu comme dans le récent Parasite, également grand gagnant au dernier festival de Cannes, trouve à son apogée ses plus beaux moments dans sa poésie unique et si bien rendue.
Il faut dire que le film fait un amalgame intéressant des différentes régions de sa coproduction, tirant le meilleur à la fois du cinéma français, mais aussi du cinéma africain pour en faire une oeuvre à la signature distincte, surtout qu’on ajoute à cela une interprétation ingénieuse du problème d’immigration et d’un tas d’autres sujets des plus actuels.
On ne voudra pas trop en dire, mais on vous conseillera vivement de vous laisser bercer par la sensibilité de ce très beau film, qui se délecte de l’attente pour charmer plutôt qu’ennuyer, et qui laisse présager de très belles choses pour sa cinéaste.
8/10
Atlantique arrive exclusivement sur Netflix ce vendredi 29 novembre. Le Cinéma moderne de Montréal offrira plusieurs représentations.