Quoi de mieux qu’un drame historique basé sur l’époque médiévale européenne? On y trouve de l’amour, de la haine, de l’ambition, des guerres sanglantes… saupoudrez le tout de relations familiales complexes, et le tour est joué! S’appuyant sur plusieurs pièces de Shakespeare, The King, récemment lancé en salles et sur Netflix, rend maladroitement hommage au Barde, en laissant hélas le cinéphile sur sa faim.
Au milieu du 15e siècle, en Angleterre, le roi Henry IV se meurt lentement. Son fils aîné, joué par Timothée Chalamet, passe son temps à boire, préférant se tenir aussi loin que possible du pouvoir et d’un roi conspué qui a semé le chaos dans son royaume.
Forcé de finalement s’installer sur le trône après la mort de son père (Ben Mendelsohn), Henry V tentera de réformer les structures politiques sclérosées de son pays, et devra ultimement envahir la France, dont il triomphera lors de la célèbre bataille d’Azincourt.
Mais quel est le prix ultime du pouvoir? En cherchant à s’affranchir du carcan traditionnel du pouvoir, basé sur la soif de conquête et sur l’agression, Henry V se retrouvera piégé, forcé de sacrifier ses plus proches amis et manipulé par ses principaux conseillers.
En cherchant à résumer plusieurs décennies de vie d’Henry V en à peine deux heures, le réalisateur David Michôd avait fort à faire. Il avait beau être épaulé par Joel Edgerton (qui interprète également Falstaff, fidèle ami d’Henry V), la tâche était herculéenne. D’autant plus que ce ne sont pas une, mais bien trois pièces de théâtre de Shakespeare qui ont servi d’inspiration à ce drame.
Dès les premières images, le côté contemporain de la production est flagrant: les couleurs sont quelque peu ternies, les éclairages sont tamisés… Bref, on a véritablement l’impression de se trouver dans l’Angleterre du 15e siècle, plutôt que sur le plateau de production d’un film ou sur les planches d’un théâtre, où les acteurs pourraient être vêtus de costumes aux couleurs flamboyantes et chatoyantes. Symbole de l’époque (ou touche contemporaine pour renforcer le côté dramatique de la chose, impossible à savoir), tous les personnages semblent être sales, ont la barbe en broussaille quand ils n’ont pas les cheveux filasses. La vie de château n’est guère reluisante, à cette époque. Même Henry, aux longs cheveux dépeignés, n’aura droit qu’à une coupe sommaire en acceptant la couronne. Souhaite-t-on faire comprendre qu’il est désorganisé, peu sûr de lui, en le montrant avec une tête échevelée?
Quoi qu’il en soit, l’apparence physique des acteurs ne fait pas un film. C’est plutôt du côté du scénario qu’il faut rechercher la substance première de The King, et force est de constater que la structure narrative n’est pas au point. Où sont les luttes de pouvoir entre le père mourant et le fils rebelle? Où sont les dilemmes entre la nécessité de plaire aux élites et celle de contenter le peuple? Où sont les réflexions sur les avantages de l’unification d’une nation, alors que cette unification repose généralement sur la guerre, la violence et la mort? Tout cela est abordé, oui, mais en quelques minutes à peine, avant d’être balayé du revers de la main. On nous impose plutôt la moue de Timothée Chalamet, au lieu de nous proposer un personnage possédant une réelle profondeur. La découverte de la trahison de l’un de ses principaux conseillers, vers la fin du film, aurait pu donner lieu à un conflit intérieur, une dualité morale face aux coûts de l’exercice du pouvoir royal. On offre plutôt un dénouement risible, bâclé en deux temps, trois mouvements.
Quant à la bataille d’Azincourt, si la reconstitution historique est intéressante, la mêlée dans la boue, où les chevaliers finissent par mourir étouffés, rappelle la Bataille des bâtards, dans la série Game of Thrones. Rien de bien surprenant ou d’innovant, là, donc.
Il était permis d’espérer de grandes choses de The King, d’autant plus que la distribution est particulièrement intéressante. Mais hélas, tout est balayé par Chalamet, et le film au titre totalement générique se perdra sans doute dans les coulisses de l’histoire, à l’inverse de son protagoniste.