L’auteur Pierre Christin et le dessinateur Sébastien Verdier unissent leurs forces pour livrer un portrait fascinant de l’homme derrière des classiques de la littérature tels que 1984 ou La Ferme des animaux, avec la bande dessinée biographique Orwell.
Mieux connu sous le nom de George Orwell, l’écrivain britannique Eric Arthur Blair était non seulement un auteur engagé, un humaniste révolté et un témoin lucide de son époque, mais également un visionnaire. À preuve, soixante-dix ans après la parution de 1984, son plus célèbre roman, la Novlangue règne en maître sur notre société, Big Brother nous surveille comme jamais auparavant par le biais des écrans, qui se sont multipliés, et « orwellien » est devenu un adjectif du langage courant servant à qualifier les régimes totalitaires. Bien que son œuvre trouve encore un large écho de nos jours, on en sait assez peu sur l’homme derrière quelques-uns des romans les plus influents du 20e siècle, et il est difficile de trouver une façon plus agréable de découvrir son parcours qu’avec la bande dessinée biographique Orwell.
Scénarisée par Pierre Christin (le co-créateur de la série Valérian), Orwell est une biographie conventionnelle qui relate, en ordre chronologique, les grandes lignes de l’existence d’Eric Blair, de sa naissance en 1903 au Bengale, où son père travaillait pour le gouvernement colonial, jusqu’à sa mort des suites de la tuberculose en 1950. On y apprend évidemment une foule de détails personnels sur l’écrivain, de son amour de la nature et des animaux en passant par son éducation à Eton, son mariage avec l’Irlandaise Eileen O’Shaughnessy, ou les raisons pour lesquelles il a adopté « Orwell » comme nom de plume, mais au-delà de l’anecdote, on apprécie surtout la façon dont l’album présente certains épisodes marquants de la vie de l’auteur qui jettent un nouvel éclairage sur son œuvre littéraire.
À peine diplômé par exemple, Eric Blair quitte l’Angleterre pour s’enrôler dans la police birmane, où il sera à même de constater les horreurs de l’impérialisme, qu’il dénoncera tout au long de sa vie. Pionnier du « reportage d’immersion sous identité masquée », c’est en côtoyant les plus pauvres dans les bas-fonds londoniens dans les années 1930 qu’il prendra conscience de la grande inégalité entre les classes sociales, et trouvera l’inspiration dans « la grandeur des gens ordinaires ». Des épisodes comme sa participation à la guerre d’Espagne contre les fascistes de Franco ou son implication au sein de la Home Guard britannique durant la Deuxième Guerre mondiale, permettent de mieux comprendre son dédain profond du totalitarisme, qui servira de moteur à 1984 comme à La Ferme des animaux.
Sébastien Verdier manie le noir et blanc avec une virtuosité peu commune, et dès la première page, on est ébloui par l’incroyable minutie de ses dessins, qui redonnent vie dans le détail à la Birmanie coloniale, à Barcelone en pleine guerre civile, ou à une Londres en ruines soumise aux bombardements des blitz allemands. Verdier utilise la couleur principalement pour ponctuer ses planches, ne colorant qu’un seul objet dans une illustration (le « paw » d’un coup de feu, un Union Jack, un geai bleu, un rosier, etc.), ce qui le fait ressortir de l’ensemble. L’album compte également la participation d’artistes tels qu’André Juillard, Olivier Balez, Manu Larcenet, Blutch, Juanjo Guarnido ou Enki Bilal, qui illustrent des scènes tirées des romans de George Orwell insérées ici et là à travers la biographie.
Grâce à l’esprit de synthèse de Christin, qui résume en 160 pages un parcours des plus mouvementé, et aux illustrations de Verdier, qui recrée des scènes complètes là où les archives n’ont conservé que des fragments, Orwell est assurément la plus vivante des biographies sur l’auteur, et une bande dessinée qui donne envie de se replonger dans l’œuvre de ce visionnaire.
Orwell, de Pierre Christin et Sébastien Verdier. Publié aux Éditions Dargaud, 160 pages.
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