Coup de théâtre au Liban, dans la foulée de plusieurs semaines de vives contestations populaires: le premier ministre, Saad al-Hariri, a fait savoir mardi qu’il entendait démissionner, ce qui impliquerait également la fin de son gouvernement.
Dans une allocution, M. Hariri a précisé qu’il présenterait prochainement sa démission au président, Michel Aoun. Selon M. Hariri, un « électrochoc » est nécessaire pour faire sortir le Liban du marasme où il se trouve, marasme qui glissait peu à peu vers une cassure nette entre la classe dirigeante et les citoyens.
Voilà en effet plusieurs jours que le pays est ébranlé par d’importantes manifestations de citoyens réclamant non seulement l’amélioration des services publics, toujours en lambeaux après la guerre civile de 1975-1990, mais aussi le départ en bloc de la classe politique, jugée « corrompue » et « sclérosée ». Saad Hariri lui-même s’est lancé en politique après l’assassinat de son père à Beyrouth, en 2005; ce dernier a été cinq fois premier ministre, de 1994 à 2000, puis de 2000 à 2004.
« Personne ne peut être plus grand qu’un pays », a lancé M. Hariri dans le cadre de l’allocution où il a indiqué qu’il démissionnait.
La semaine dernière, le premier ministre avait déjà tenté de calmer la vindicte populaire en réussissant à faire adopter une série de réformes économiques qui devaient « débloquer » la société libanaises, réformes qui n’avaient toujours pas l’aval de tous les partis formant le gouvernement. Sans application immédiate de ces réformes, toutefois, les contestataires ont poursuivi leurs manifestations, et ont de plus belle réclamé le départ de l’ensemble des politiciens au pouvoir.
Selon le quotidien israélien Haaretz, le Liban s’approchait aussi dangereusement de la crise économique, alors que l’agence de crédit S&P évoquait la semaine dernière une situation particulièrement difficile. Parallèlement, le président de la Banque centrale libanaise, Riad Salameh, a réclamé lundi des solutions à la crise politique et sociale pour restaurer la confiance des investisseurs et éviter la débandade financière.
Toujours selon Haarezt, le groupe militant Hezbollah, qui fait partie de la coalition gouvernementale, montre depuis quelques jours des signes d’impatience face à une contestation populaire qui menace son pouvoir politique et sape son influence. Certains partisans du puissant groupe chiite auraient ainsi attaqué des protestataires installés à un carrefour de Beyrouth, avant de détruire des tentes et de forcer la police à intervenir.
Depuis la fin de la guerre civile, le Liban est dirigé en fonction d’un complexe agencement entre partis politiques et élus de différentes confessions. Parallèlement à cette structure parfois bancale, la société libanaise est aux prises avec des problèmes récurrents en matière d’alimentation en électricité et d’eau potable, et même les citoyens de Beyrouth, la capitale, doivent endurer des coupures régulières.
C’est un projet de taxe sur les appels effectués à l’aide de l’application de messagerie WhatsApp qui aura mis le feu aux poudres; la taxe a rapidement été annulée, mais les flammes de la contestation brûlaient déjà vivement, et le départ de Saad Hariri pourrait n’être qu’une étape d’un long processus de transformation.
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