Vendredi soir était soir de première, à la Maison symphonique de Montréal. En effet, le spectacle présenté était la première coproduction de l’Opéra de Montréal avec l’Orchestre métropolitain. C’était aussi la toute première fois que le chef Yannick Nézet-Séguin dirigeait le seul opéra écrit par Ludwig van Beethoven: Fidelio. Celui-ci était présenté en version concert, ce qui explique le choix de la Maison symphonique. Cela limitait le nombre de spectateurs, mais permettait aussi de bénéficier d’une acoustique supérieure.
Comme chacun sait, Beethoven est particulièrement reconnu pour ses symphonies et pour qui aime les diriger, l’opéra Fidelio ne saurait gâcher le plaisir d’un chef. En effet, non seulement l’ouverture de l’opéra, mais aussi deux autres longs moments instrumentaux ont permis à Nézet-Séguin de s’en donner à cœur joie et, avec l’OM, de nous en mettre plein les oreilles. Dès l’ouverture, la fougue du maestro, son énergie et sa précision nous rappellent sans détour que nous sommes en présence d’un des grands chefs du XXIe siècle. Son travail d’orfèvre s’est poursuivi sans relâche tout au long de l’œuvre et le choix de rythmes particulièrement rapides dans certaines parties était tout ce qu’il y a de plus heureux. Si certaines mauvaises langues affirment que Fidelio est un opéra ennuyant, la prestation entendue à la Maison symphonique, ce vendredi, à tout pour les démentir. Il faut d’ailleurs noter que ce sont les trios, les quatuors et les tutti qui ont le plus comblé le public : Beethoven savait y faire.
Chez les solistes, on retiendra surtout les interprétations de Raymond Aceto, (Rocco) et de Lise Davidson (Léonore). En plus de posséder une voix extrêmement riche, chaude et puissante, Aceto est doté d’un indéniable talent d’acteur. Même en version concert, il arrive à nous faire imaginer la scène qu’il est en train de chanter.
À certains moments, les prouesses vocales de la soprano Lise Davidson se sont élevées à des hauteurs stratosphériques, comme quand Léonore demande à Rocco comment s’est passée sa rencontre avec Don Pizaro. À la réponse favorable de Rocco, Léonore s’écrie «Noch heute, noch heute ? » (Aujourd’hui même, aujourd’hui même?) et toute la salle sursaute de surprise et d’émerveillement devant cette voix si pleine, si pure et si puissante. Tellement puissante qu’elle a, à plusieurs reprises, éclipsé celles de de Kimy Mc Laren (Marcelline) et celle, par ailleurs magnifique, de Michael Shade (Florestan). C’est sans doute la seule chose qui ait pu agacer lors de cette présentation mémorable qui a été suivie d’une ovation interminable. Si Nézet-Séguin voulait donner un avant-goût des célébrations du 250e anniversaire de Beethoven en 2020, il a mis la barre un peu haute.