« As-tu écouté le nouvel album de Pierre? » La question posée à ce journaliste témoigne d’une réalité à la fois étonnante et intéressante: avec sa musique intimiste et sa capacité à exposer certains des aspects les plus personnels de sa vie, on vient à considérer Pierre Lapointe non pas comme un artiste, mais plutôt comme un ami. Son plus récent album, Déjouer l’ennui, s’inscrit dans cette veine personnelle.
Le ton est donné dès les premières notes de ce nouvel album: Pierre Lapointe est en peine d’amour. Après tout, le rituel est bien connu: s’il est heureux, on trouvera des pièces rock et plus dansantes sur ses albums. Et s’il est malheureux, eh bien, les amateurs de musique auront droit à des pièces plus mélancoliques.
Déjà, le titre de l’album devrait mettre la puce à l’oreille des mélomanes: personne ne parle de Déjouer l’ennui, après tout, si l’on a envie de crier son amour sur tous les toits. Ou peut-être est-ce parce que l’on souhaite effectivement crier son amour sur tous les toits, mais que la personne ciblée par ces bons sentiments fait la sourde oreille, ou a déjà manifesté son absence d’intérêt…
Quoi qu’il en soit, voilà donc Pierre Lapointe engagé dans une série de pièces mélancoliques, toutes plus douces et délicates les unes que les autres. Pas question de pièces vengeresses, ici, mais plutôt d’une contemplation, d’une exploration des sentiments humains. Qu’est-ce que l’amour, au juste? Vaut-il mieux parler d’exploration des corps, de désir? L’artiste va d’ailleurs mentionner, à quelques reprises, ces séances de découverte sous les draps, avec son partenaire ou son amoureux du moment. Mais s’agit-il effectivement de parties de jambes en l’air, ou plutôt de moments de tendresse, voire de l’acte de faire l’amour, plutôt que de simplement baiser?
Déjouer l’ennui, comme les autres albums de Pierre Lapointe, laisse toujours entrevoir un second degré, un niveau de profondeur supplémentaire qui mènerait à une sorte d’existence qui irait au-delà des simples tracas quotidiens, pour entrer dans une sphère où n’existeraient que les mots, les idées présentées par cet auteur-compositeur-interprète à la voix ensorceleuse – ou est-elle plutôt caressante?
Avec une orchestration efficace sans être trop envahissante, avec des pièces ni trop courtes, ni trop longues, ce qui ferait craindre la redite ou l’ennui, justement, ce nouvel album de Pierre Lapointe trouvera aisément sa place parmi les meilleurs de l’artiste. De quoi donner envie de sourire à ce dernier, ou peut-être même de le prendre dans nos bras, histoire de l’assurer que tout ira bien.