Si l’on imagine la politique étrangère comme une partie de golf, le premier ministre du Canada Justin Trudeau s’est contenté de jouer le caddy du président des États-Unis Donald Trump, peut-on déduire de l’analyse des professeurs à l’université Carleton à Ottawa, David Carment et Richard Nimijean dans le Monde diplomatique d’octobre.
Ottawa se contente d’adapter les vieux principes de l’internationalisme libéral à la réalité de l’administration Trump, dans un contexte politique mené par les États-Unis et la Chine, dans lequel la Russie et l’Union européenne arrivent difficilement à s’imposer, soutiennent les professeurs de l’université Carleton. Pourtant, la crise du système international handicape les économies de taille moyenne, comme celle du Canada. Le bilan du dernier mandat libéral en matière de politique étrangère marque davantage une continuité avec le gouvernement conservateur de Stephen Harper qu’un engagement contre le populisme, disent-ils.
Aligné sur la politique étrangère de Washington, le premier ministre Justin Trudeau a pris la chancelière allemande Angela Merkel au dépourvu en demandant que la déclaration sur l’environnement s’abstienne de mentionner l’accord de Paris sur le climat, lors du sommet du G20 en 2017. La manœuvre a été interprétée comme une tentative d’amadouer le président Trump à la veille de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
L’une des clauses du nouvel ALENA octroie aux États-Unis un droit de veto sans précédent concernant les futures négociations commerciales entre le Canada et la Chine, même si le gouvernement libéral espérait alléger sa dépendance vis-à-vis Washington. Ottawa a laissé tomber ses projets au lieu de tenir tête à son allié qui se réserve également la possibilité d’appliquer d’importants droits de douane sur l’aluminium et l’acier au nom de la sécurité nationale, mentionnent encore les professeurs.
En décembre 2018, le gouvernement canadien a arrêté la directrice financière de Huawei à l’aéroport de Vancouver, à la demande de son homologue américain. L’ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum a dû démissionner pour avoir suggéré lors d’une rencontre avec des médias canadiens et sino-canadiens que les États-Unis utilisaient l’extraterritorialité comme une arme.
Ottawa invoque dans cette affaire le respect d’un traité d’extradition avec Washington, alors que les mesures de rétorsion contre Huawei sont prises hors de toute résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et sans accord formel entre les États-Unis et leurs alliés. La Chine a riposté en emprisonnant deux Canadiens, déclenchant une crise diplomatique.
À son instigation, le gouvernement Trudeau a placé le Venezuela, la Syrie, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord en haut de sa liste de priorités, imitant et soutenant les initiatives de l’administration Trump, poursuivent les professeurs.
Diversion à l’ONU
Devant l’Assemblée générale des Nations unies le 21 septembre 2017 à New York, Justin Trudeau n’a pas abordé les enjeux internationaux pour mieux dénoncer la « grande faillite » du Canada vis-à-vis les Autochtones. Sur cet enjeu, la spécialiste de l’Afrique et des institutions européennes Anne-Cécile Robert critique la valeur des déclarations en larmes et de la demande officielle de pardon du chef d’État canadien dans l’essai La stratégie de l’émotion en 2018.
Cherchant à clore le débat, à faire taire tout le monde, les uns parce qu’on leur a donné raison, les autres parce qu’on les a déclarés coupables, Anne-Cécile Robert se demande si cette manière de faire du gouvernement Trudeau n’est pas une erreur philosophique, de juger le passé au lieu de le décortiquer. Ne vaudrait-il pas mieux expliquer, accompagner les monuments de textes éclairant les événements, mettant en perspective les actes des personnages? Les démonstrations émotives peuvent être sincères, poursuit la spécialiste, mais leur accumulation donne un peu le tournis, voire la nausée.
Si les professeurs de l’université Carleton attribuent à Justin Trudeau une technique de communication consistant à intervenir abondamment dans les médias et sur les réseaux sociaux pour y défendre des valeurs positives, Anne-Cécile Robert pointe l’emploi du concept «care» présenté comme un moyen d’humaniser une société atrophiée par le repli sur soi et l’égoïsme. D’un côté, le résultat est que les actes ne suivent pas les paroles, et de l’autre, que l’individu doit porter tout le poids de l’amélioration sociale en relativisant la responsabilité de l’État et le rôle des services publics.
Les discours d’étalage de vertu, de même que les mises en scène émotives, ne font qu’étendre un écran de fumée entre les Autochtones et le gouvernement canadien, ainsi qu’entre celui-ci et ses alliés de la scène internationale, mentionnent les experts.
Au lendemain des élections du 21 octobre, qui conduira la voiturette de golf du président Donald Trump?
Élections fédérales 2019 – Daniel Green au front pour le climat