Rencontre avec l’autre, rapprochement des peuples, enrichissement mutuel au moyen de l’art et de la danse, telle est un peu la mission du festival Altérité pas à pas! Cette année, le festival s’ouvre avec deux spectacles de danse dans le cadre de Tangente, La Chute et Borderlines présentés tous deux à l’édifice Wilder.
La Chute constitue un effort pour faire prendre conscience au public de ce que peut signifier la destruction d’œuvres d’art et l’interdiction par la république islamique d’Iran faite aux femmes de danser ou de chanter.
Dans un solo dansé, la belle Nasim Lootij, revêtue d’une robe légère, apparaît d’abord sans visage. Des jeux de lumière subtils mettent en vedette l’une ou l’autre des parties de son corps. Sa très abondante chevelure remplace ses traits, d’où émergent parfois de longs doigts, comme une tentative d’imposer son regard au monde. Une bande sonore, malheureusement inaccessible à tous ceux qui ne parlent pas le farsi, renvoie toutefois à un passé lointain par son grésillement. On se sent oppressé. Les discussions sont animées. Des voix d’hommes et de femmes qui semblent argumenter. Que se disent-ils? Puis, ce sont des chants anciens, auxquels la danseuse associe parfois sa propre voix, ou le claquement discret, mais sonore, de ses doigts.
Enfin, une adaptation d’un chant plein d’espoir tiré de l’œuvre Un violon sur le toit de Joseph Stein, est interprété par un homme dont on peut lire la démarche pacifique par une projection de son texte en français.
Rien de subversif à ce chant, simplement des paroles de nostalgie et d’espoir. Entre temps, le corps de la danseuse semble par moment démantibulé, ou alors, apparaissant telle une fillette innocente et vulnérable, ce ne sont que ses bras et ses mains qui dansent avec énergie, ou ses pieds qui sont éclairés par un rayon de lumière, ou enfin elle se met à sauter sur place jusqu’à s’effondrer sur le sol, la lumière rebondissant sur elle dans une chute finale.
Dans Borderlines au titre bien choisi, il est clairement question de frontières, d’immigration, de difficultés administratives, d’absence douloureuse du pays d’origine et de nostalgie; en même temps d’espoir, mais aussi de désespoir jusqu’à la folie.
Trois danseurs et deux danseuses originaires de Marrakech pour cette œuvre dansée sur des musiques traditionnelles ou contemporaines très répétitives, lancinantes ou proches de la transe.
Sur une scène rectangulaire délimitée par une frontière symbolique, des hommes tournent à l’extérieur sans pouvoir y pénétrer. Une fois à l’intérieur, les difficultés ne sont achevées pour autant. Sur une chorégraphie énergique, les complications voire les obstacles administratifs, passeports et autres, se déchainent. Les danses sont de plus en plus saccadées et frénétiques, certaines jusqu’à la transe. Pendant une heure de temps, les danseurs se donnent à fond pour transmettre au spectateur les dimensions de l’exil, de l’accueil, de l’intégration, mais aussi du retour aux sources dans une sorte d’installation finale couronnée par une superbe chanson d’amour universel de Leonard Cohen.
La troisième Biennale du festival Altérité, pas à pas! offre une belle programmation, des spectacles à découvrir, à apprécier et à penser.
La Chute (35 min)
Production: Vâtchik Danse
Chorégraphie, interprétation et conception sonore: Nasim Lootij
Borderlines (60 min)
Chorégraphie: Taoufiq Izeddiou
Avec: Yassmine Benchrifa, Moad Haddadi, Mohamed Lamqayssi, Chourouk El Mahati, et Hassan Oumzili