S’intéresser aux Premières Nations est une chose – c’est après tout l’une de nos plus grandes cicatrices –, mais bien le faire en est une autre. Quel bonheur que de découvrir ce très joli Kuessipan, qui à travers bon nombre de défauts, laisse percevoir un film auquel on s’attache aisément.
Il aura fallu une décennie avant que Myriam Verreault nous revienne finalement sur grand écran, dans le confort de la fiction. Sa dernière apparition, dans ce contexte, remonte effectivement en 2009, alors qu’elle partageait le scénario et la réalisation de l’inoubliable À l’ouest de Pluton.
Plus mature, plus conscientisée également, elle adapte cette fois librement le recueil de récits poétiques Kuessipan en partageant l’écriture avec son auteure Naomi Fontaine. Renouant avec l’adolescence, elle y présente un film d’apprentissage au féminin bien ancré dans une culture qui nous est pour le moins étrangère.
Alors que les jeunes fantasment habituellement sur le rêve américain (on pense à cette Jeune Juliette), disons que Mikuan a des désirs beaucoup plus terre à terre, mais pas pour autant plus accessibles à petite échelle. Inversant un peu le principe du magnifique Une Colonie sorti plus tôt cette année, la protagoniste du film de Verreault a envie d’être auteure et de faire sa vie à Québec, voyant ses plus grandes espérances s’intensifier lorsqu’elle se lie d’amitié avec un jeune Caucasien capable, aux premiers abords, de voir la beauté au-delà des très nombreuses différences.
Bien sûr, Étienne Galloy joue encore très bien l’innocence et la naïveté, mais c’est décidément Sharon Fontaine-Ishpatao qui épate le plus. Si le jeu est inégal d’un non-comédien à un autre, on doit saluer le travail de nul autre que Brigitte Poupart (qui a d’ailleurs un petit rôle), qui leur a servi de mentor se qui se fait grandement sentir dans leurs performances qui auraient pu rapidement tomber dans l’exagération ou le court-métrage amateur.
Mme Fontaine-Ishpatao a du charisme à revendre et illumine l’écran tout au long de sa présence, capable d’incarner la dualité et les nombreux déchirements de son personnage avec ce qu’il faut d’incompréhensions lorsqu’elle emprunte des sentiers aux chemins plus problématiques, l’égarement de l’adolescence oblige.
Dorloté par les compositions de Louis-Jean Cormier, malgré quelques choix musicaux plus discutables parmi de jolis autres, disons que le film profite beaucoup de la présence de Nicolas Canniccioni à la direction photo, grand collaborateur de Jean-François Caissy, relevant avec brio le défi en allant chercher toute la beauté dans ces paysages plus hivernaux.
Là où le film convainc moins, c’est dans son scénario et ses revirements un peu trop convenus et beaucoup trop écrits. On aurait dû prioriser un peu plus d’improvisation, comme dans le long-métrage précédent de Mme Verreault, pour faciliter une fluidité dans le naturel et le réalisme de l’ensemble au lieu de s’embêter d’un ressort plutôt répétitif et prévisible du drame avec un grand « D ».
En effet, si le message de l’amitié et de la famille est fort et qu’il donne droit à de très jolis moments où tous s’unissent à merveille, on comprend rapidement que le drame guette toujours lorsqu’il y a trop de bonheur histoire de faire avancer dans le malheur cette représentation de cette réalité qu’on veut constamment rappeler à quel point elle est dure.
Malgré la délicatesse d’approche de la cinéaste et un désir certain de donner dans la nuance, on ne peut s’empêcher de regretter sa pratique qui va trop bêtement vers une certaine liste à cocher des éléments qu’on a envie de surligner ou de démentir, parmi lesquels on peut nommer la dépendance et la brutalité.
Néanmoins, ces défauts ne font pas le poids face à la beauté qui émane du long-métrage. C’est probablement trop long et la première partie se concentrant sur la jeunesse s’étire probablement aussi, alors que l’on comprend sans mal le lien fort qui unit Mikuan à Shaniss, mais Kuessipan est un film fort et nécessaire qui émet beaucoup de lumière à travers le prisme de son sujet.
6/10
Kuessipan prend l’affiche en salles ce vendredi 4 octobre.