La Grèce va mieux! Exsangue après les privations imposées par une Europe intraitable, la voilà qui élit un parti ni de gauche, ni de droite, et que l’argent se remet à couler à flots. Mais dans Offshore, plus récent roman policier de Petros Markaris paru chez Seuil, il y a bien entendu quelque chose qui cloche…
Le commissaire Charitos est comme tous les autres Grecs: il est heureux que les années de disette soient terminées, mais impossible, pour cet empêcheur de tourner en rond, de passer sous silence le fait que personne ne sait d’où sort tout cet argent qui contribue à la relance économique du pays.
Pire encore, voilà que des meurtres s’accumulent. Bien entendu, les coupables sont rapidement découverts, mais chaque fois, les motifs des crimes sont flous, ou sont trop simples. Pourtant, les grands patrons refusent de lui permettre de pousser les enquêtes plus loin. Clairement, il y a anguille sous roche.
Charitos a-t-il véritablement le « droit » de faire éclater la vérité? Après tout, si le peuple mange enfin à sa faim, doit-on vraiment faire s’écrouler ce nouvel édifice socio-économique, simplement parce qu’un policier trop têtu, dans la force de l’âge, tient à faire son travail correctement?
Si Offshore n’est pas en soi une « grande » enquête policière, avec moult revirements de situations et tournures scénaristiques qui pousseront le lecteur à retenir son souffle, on sent ici une véritable écriture sociale, une réflexion plus qu’intéressante sur le sort du peuple grec. Ironiquement, écrira le traducteur français en postface, cette idée d’un gouvernement ni de gauche, ni de droite, piloté par des amis des banques, est arrivée en 2018, en France. En ce sens, souligne-t-on, l’oeuvre de Petros Markaris est visionnaire, puisque l’action du roman se déroule en… 2017!
Roman sympathique, surtout avec ce héros un peu gauche qui tente de maintenir la cohésion d’une famille aux prises avec les mêmes problèmes que toutes les autres familles – argent, enfants, travail, etc. –, mais aussi avec tous ces embouteillages qui permettent de dépeindre Athènes comme une cité chaotique où il fait pourtant bon vivre, Offshore est un bon petit roman policier dont il sera agréable de lire les pages.
Offshore, de Petros Markaris, publié aux éditions du Seuil, 296 pages.