Près d’une semaine après le début de la campagne électorale fédérale, le Parti vert rêve-t-il encore de former le prochain gouvernement? Pour Daniel Green, chef adjoint des verts et candidat dans Outremont, cette course politique ne doit avoir qu’un but: mettre sur pied un gouvernement capable de s’attaquer à la crise climatique.
« Ça se passe assez bien » depuis le début de la campagne, soutient M. Green au bout du fil. Ainsi, « plusieurs candidats québécois du Parti vert ont des affiches, plusieurs ont débuté le porte-à-porte, les candidats ont déjà frappé à plusieurs milliers de portes au Québec ».
Outre la question climatique, M. Green soutient que la plateforme des verts, dévoilée lundi, « est très environnementale, mais aussi, très justice sociale. Une plateforme qu’on pourrait résolument situer à gauche du centre, mais une plateforme qui parle de tout: des Premières Nations, des jeunes, des familles… je pense que l’offre du Parti vert, en 2019, est une offre complète », poursuit le candidat, avant d’indiquer que « le parti a l’impertinence de dire qu’on est prêts à gouverner ».
Prêts à gouverner, peut-être, mais il n’en reste pas moins que selon les plus récentes projections de la plateforme 338Canada, le Parti vert se retrouve loin derrière le Parti libéral du Canada (PLC) et du Parti conservateur du Canada (PCC) dans les intentions de vote. En fait, si le parti au pouvoir et l’opposition officielle sont au coude à coude, les verts, eux, talonnent le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour la troisième place, avec environ 10% d’intentions de vote, contre 12,5% pour le NPD – les deux partis se retrouvent dans la même marge d’erreur.
Pour se démarquer, il faut donc vendre le programme, chose qui est parfois plus facile à dire qu’à faire, reconnaît Daniel Green. De fait, parler d’autre chose que d’environnement « est un défi », dit-il.
« Résolument, le parti a ses racines dans le mouvement environnemental canadien », mais fondamentalement, précise M. Green, « Être vert, c’est avoir une philosophie verte; celle-ci est basée sur des principes environnementaux qui sont tout à fait applicables à l’environnement humain. L’équité, l’égalité, les droits fondamentaux… tout cela fait partie du credo vert. Il ne faut pas oublier que le Parti vert fait partie d’une mouvance planétaire. Cela nous a aidé à construire un programme politique entier et complet. Essentiellement, ce que nous disons, c’est que l’humain doit évoluer socialement, politiquement, en matière d’industrie, etc. »
Souverainiste? Séparatiste?
Le Parti vert et sa chef, Elizabeth May, pensaient avoir réussi un bon coup en débauchant l’ancien député néo-démocrate Pierre Nantel pour en fait un candidat vert. Le hic, c’est que M. Nantel n’a pas perdu de temps à affirmer que le Québec « devrait se séparer le plus vite possible » du Canada, plongeant du même coup sa nouvelle chef et son nouveau parti dans l’embarras.
Mme May a d’ailleurs contribué à alimenter la controverse, alors qu’elle s’est engagée dans une étrange série de pirouettes sémantiques où elle a dépeint son candidat comme étant « souverainiste, mais pas séparatiste ».
« C’est sûr que c’est un dossier que Mme May connaît moins », concède Daniel Green. « Elle n’est pas québécoise; on le sait, au Canada, que le Québec est une société distincte politiquement et socialement, tous les Québécoises et les Québécois le savent. »
« Cela arrive souvent que des partis fédéraux, même lorsque ceux-ci sont représentés par un premier ministre qui réside au Québec, que les partis ne comprennent pas ou n’agissent pas d’une façon concordant avec la vision du Québec », a poursuivi le chef adjoint.
« Ce n’est un secret pour personne que de se dire souverainiste, comme tel, ne peut pas égaler, nécessairement, au mouvement séparatiste des années 1960. Il y a eu une évolution dans la société québécoise: on parle de plus en plus d’une société distincte, d’avoir des droits particuliers en matière de gestion de la langue, de la culture. Je crois qu’il y a une reconnaissance que nous sommes tous un peu nationalistes et souverainistes, et c’est une question de degré d’implication pour ce qui touche à la question nationale du Québec. »
Toujours selon M. Green, bien des souverainistes ayant rejoint les rangs du Parti vert soutiennent que la question de la protection du territoire québécois contre les impacts des changements climatiques « devrait être la priorité ».
Fortes marées, tornades, inondations, canicules… « la seule chose que l’on n’a pas encore vue, ce sont des feux de forêt comme on a pu en voir en Alberta et en Colombie-Britannique, touchons du bois », souligne M. Green.
La question environnementale semble d’ailleurs être à l’ordre du jour pour le Bloc québécois, qui a recentré son message sur la défense de la laïcité, par exemple, mais aussi sur l’opposition aux projets pétroliers et gaziers mis de l’avant par l’actuel gouvernement libéral, avec son achat de l’oléoduc Trans Mountain, et par le précédent gouvernement conservateur, sous lequel les tentatives de lancement de chantiers se sont multipliées.
« La question nationale sera débattue pendant encore des années, au Québec – certains disent pendant encore des décennies. Mais en attendant, la protection du territoire contre les changements climatiques est essentielle, et le Parti vert du Canada est le seul parti qui affirme qu’il le fera », soutient M. Green.
La balance du pouvoir
Le Parti vert terminera-t-il troisième ou quatrième, le 21 octobre prochain? Pour Daniel Green, une éventuelle balance du pouvoir détenue par les verts au lendemain des élections, dans un contexte de gouvernement minoritaire, serait l’occasion idéale pour faire adopter des lois et positions vertes.
« Vous savez, être troisième, dans cette situation, donne à ce parti un pouvoir de gouverner. »
« Il est tout à fait possible que dans un scénario de gouvernement libéral, un Parti vert détenant la balance du pouvoir puisse exiger de Justin Trudeau « de faire des choses », comme abolir l’achat de l’oléoduc Trans Mountain », avance M. Green, qui évoque également « l’arrêt de l’expansion des projets d’exploitation des sables bitumineux » des Prairies, ainsi que le « rétablissement des lois sur les évaluations environnementales » concernant les projets de grande envergure.
« On n’a peut-être pas tout le pouvoir, mais on a une partie du pouvoir. »
Et que se passerait-il, en cas de victoire minoritaire des troupes conservatrices d’Andrew Scheer? Daniel Green est formel: un tel gouvernement ne survivrait pas à l’adoption de son premier budget, dont le vote est une question de confiance, et les Canadiens retourneraient aux urnes à l’automne 2020, plaide-t-il.
« Peu importe ce que dit M. Scheer, il ne croit pas qu’il y a une urgence climatique. Il commet une erreur historique à croire que le Canada ne subit pas, maintenant, les impacts des changements climatiques. »
Une telle politique de la terre brûlée – faire tomber un gouvernement dès son arrivée au pouvoir – ne risque-t-elle pas de plutôt pousser les autres partis d’opposition, les libéraux en premier, ou peut-être le NPD et le Bloc, à éviter de replonger le pays dans des élections? Les rumeurs abondaient, lors du premier gouvernement minoritaire de Stephen Harper, à propos d’une telle manoeuvre, qui n’a finalement jamais eu lieu, les conservateurs accédant plutôt au pouvoir pendant 10 ans.
« À cette époque, le Parti libéral n’était plus que l’ombre de ce qu’il est aujourd’hui; on peut s’attendre à un PLC qui veut évidemment revenir au pouvoir. Nous allons appuyer un vote de défiance contre le gouvernement anti-actions climatiques d’Andrew Scheer. Il y aurait donc de fortes chances pour que vous m’interviewiez encore une fois en septembre 2020, car nous serions de nouveau dans une cabale électorale », avance Daniel Green.
Les verts pourraient alors s’asseoir avec les autres partis pour créer une coalition gouvernementale pour lutter contre les changements climatiques, suggère M. Green.
Une lettre de démission « dans sa poche »
Puisque le parti d’Elizabeth May a peu de chances de prendre le pouvoir le 21 octobre, son chef adjoint devrait-il imiter le militant environnementaliste Steven Guilbault et se joindre au PLC pour espérer ensuite entraîner des changements de l’intérieur de la formation politique?
« Il y a un mythe en politique, celui que l’on peut changer les choses de l’intérieur quand on est une petite voix au sein de la grosse machine d’un parti », soutient M. Green.
« (L’ex-ministre de la Transition écologique français) Nicolas Hulot l’a vu dans l’administration Macron, et il a démissionné. Ici à Montréal, M. Ferrandez, qui faisait partie de Projet Montréal, l’a vu aussi et a démissionné. Moi j’ai suggéré à Steven Guilbault de se promener avec sa lettre de démission dans sa poche. »
Au dire de M. Green, ce serait là « la seule façon de forcer le parti de Justin Trudeau à lâcher le pipeline ». « Il devra menacer de démissionner, voire carrément démissionner du caucus libéral ou du cabinet Trudeau, advenant que le premier ministre décide de permettre l’expansion de Trans Mountain. »
« Je connais Steven Guilbault comme étant une personne éthique et très morale; Steven va devoir se poser la question fondamentale, devant ses vis-à-vis libéraux: « Est-ce que j’aide plus la cause en étant une caution, ou est-ce que je pourrais davantage aider la cause en démissionnant, en indiquant la raison de mon départ, et en réclamant que le parti fasse ce qu’il doit faire. J’espère cependant que Steven Guilbault « contaminera » ses collègues pour les pousser eux aussi à menacer de démissionner si le gouvernement Trudeau n’agit pas », ajoute-t-il.
Un commentaire
Pingback: Élections fédérales 2019 – Trudeau, caddy du président Trump? - Pieuvre.ca