Que s’est-il vraiment passé, à Gilead, pour provoquer la chute de cette théocratie puritaine? Trente-cinq ans après la parution de The Hanmaid’s Tale (La servante écarlate, en version française), voilà que Margaret Atwood présente The Testaments (Les testaments), un récit qui semble en partie avoir été publié pour profiter de la popularité de l’adaptation télévisuelle diffusée par Hulu.
Quelque 35 années se sont écoulées depuis la parution du livre, certes, mais l’action de The Testament, elle, ne se déroule qu’une quinzaine d’années après qu’Offred – June, de son vrai nom – eut réussi à fuir cette version ultraconservatrice des États-Unis pour trouver refuge au Canada. Laissant derrière elle, au passage, sa première fille, rebaptisée Agnès, mais emportant dans ses bras la petite Nicole. Ces deux personnages représenteront d’ailleurs deux des trois protagonistes de cette suite.
Le troisième acteur de ce drame n’est nul autre qu’Aunt Lydia, personnage déjà cruel et fourbe dans le livre, et particulièrement retors et violent dans la série télévisée. Ici, que ce soit pour Agnès, Nicole ou notre troisième personnage, toutes s’expriment selon la formule des témoignages enregistrés à la suite des événements et (re)découverts ensuite par des historiens de la très lointaine fin du 22e siècle, après la chute de Gilead.
Plus de Offred, donc, mais plutôt un triptyque qui explore le fonctionnement interne du régime, le climat de terreur qu’il maintien sur sa population, et les sombres machinations auxquelles se vouent les dirigeants, les Tantes et les services d’espionnage, tous engagés dans des luttes fratricides et bien souvent mortelles.
Comme tout bon régime totalitaire (ou absolutiste), Gilead pourrit de l’intérieur, la soif du pouvoir absolu conduisant généralement à des trahisons, de faux témoignages et à des purges. Et puisque le personnage d’Aunt Lydia serait un peu trop cliché si sa personnalité n’était formé que d’une seule couche, voilà donc que cette femme franchement acariâtre s’emploie à accumuler des informations particulièrement délicates sur ses adversaires, sur ses amis. Bref, sur tout le monde. Après tout, impossible de savoir quand il sera nécessaire d’assurer ses arrières.
Quant à nos deux autres protagonistes, elles permettront de découvrir les rouages un peu plus internes de cette société, la façon dont les jeunes filles sont éduquées – devrait-on plutôt dire endoctrinées? –, ce genre de choses.
Si cet ajout au monde de Gilead est loin d’être inintéressant, l’univers créé par Margaret Atwood a perdu un peu de son côté scandaleux. Après tout, cela fait trois ans que les producteurs de Hulu nous infligent des agressions, des viols, des mutilations corporelles et quantité d’autres actes de violence, en plus de présenter des scénarios de plus en plus abracadabrants. Comparativement à cela, The Testaments tient pratiquement de la littérature pour adolescents, voire adolescentes encore un peu naïves. Il y a certes les témoignages d’Aunt Lydia, mais à l’instar d’une bonne partie de la télésérie, on a souvent l’impression que l’action se déroule hors de vue des protagonistes, et que les considérations politiques, sociales ou économiques de Gilead, ce qui représenterait un peu la chair autour de l’os théocratique, est largement passé sous silence.
Il est donc bien dommage qu’après 35 ans, Margaret Atwood nous présente ce livre intéressant, certes, mais qui donne quelque peu l’impression d’avoir été écrit à la va-vite, pour profiter de l’intérêt porté à la série.
Littérature – Du désespoir au désespoir, en passant par un peu d’espoir