Au cours d’une entrevue accordée à l’émission 24/60 le 4 septembre, le chef du Parti populaire canadien a répété à plusieurs reprises son refus de parler d’une « urgence climatique », et a souligné qu’il fallait s’appuyer sur « les faits ».
Le Détecteur de rumeurs l’a pris au mot.
Maxime Bernier: Il y a 10 ans, c’était Al Gore qui nous disait, si on ne fait rien, le niveau des océans va monter et ça va être la fin pour certaines villes… À chaque 10 ans, on nous parle d’urgence climatique.
Fait: en citant Al Gore, Maxime Bernier faisait peut-être référence au militantisme environnemental. Mais il n’existe pas de tels cycles dans la recherche scientifique sur le climat ou sur les océans. La tendance lourde, depuis les années 1960, est plutôt constante : une accumulation de données allant de plus en plus dans la direction d’un réchauffement climatique anormalement rapide, causé en bonne partie par l’activité humaine.
MB: Est-ce que le niveau des océans augmente? Non!
Fait: selon plusieurs études, le niveau des océans a monté en moyenne de 1,2 mm à 1,7 mm par année entre 1900 et 1990, et ces chiffres semblent avoir doublé depuis les années 1990. Si la tendance se maintient, entre les estimations les plus optimistes et les plus pessimistes, cela représentera, d’ici 2100, de 450 à 750 millions de personnes vivant aujourd’hui dans des zones qui seront submergées.
MB: Et on ne peut pas baser des politiques climatiques sur la peur… Moi je suis en train de dire qu’on doit bâtir des politiques publiques sur la raison et les faits.
Fait: la température moyenne de la Terre a augmenté d’un degré depuis un siècle et tout dépendant de la vitesse à laquelle nous réduirons nos émissions de gaz à effet de serre, on aura dépassé le seuil du degré et demi entre 2030 et 2040; le seuil des deux degrés pourrait être franchi avant 2100 — voire les trois degrés, dans les scénarios moins optimistes.
MB: Ce que je suis contre, c’est de dire que (c’est) la faute principale de l’activité humaine. Et il y a des scientifiques comme Patrick Moore, qui a quitté l’organisation qu’il a fondée lui-même, Greenpeace, il est un scientifique, et il dit qu’il y a plusieurs autres facteurs.
Fait: Patrick Moore n’a pas fondé Greenpeace, il en est devenu membre en 1971, comme en témoigne cette lettre fournie par Greenpeace. Moore a été un militant actif de Greenpeace Canada jusqu’au début des années 1980.
Fait: Patrick Moore ne publie pas de recherches, il est avant tout un lobbyiste rémunéré depuis 30 ans par différentes industries, en particulier le nucléaire, l’exploitation minière et forestière.
Le Détecteur de rumeurs ouvre ici une parenthèse: lorsqu’on lit dans les médias une phrase telle que « les scientifiques s’entendent sur le réchauffement climatique », on veut en réalité dire « les scientifiques qui ont publié des recherches sur le climat arrivent tous aux mêmes conclusions ». Ou encore: « les scientifiques qui ont publié des recherches sur le climat dans des revues révisées par d’autres scientifiques arrivent tous aux mêmes conclusions ». Le seul texte que Patrick Moore ait publié ces dernières années qui pourrait être qualifié de recherche est un document publié en 2016 pour le compte du Frontier Center for Public Policy, un groupe de pression de droite qui a affiché sa vive opposition aux « dommages politiques causés par le lobby de l’énergie verte ».
MB: Regardez dans les faits. Regardez dans les faits. Je ne demande pas aux gens de me croire sur parole, je demande aux gens de faire leurs recherches, de regarder, je fais appel à l’intelligence des gens, et j’amène un autre point de vue au débat.
Fait: en science, tout n’est pas sujet au même type de « débat » qu’une discussion politique. L’évolution, par exemple, ne fait plus débat parmi les biologistes, l’astrologie ne fait plus débat parmi les astronomes, la Terre plate ne fait plus débat parmi les géographes. Ces sujets font consensus.
On entend souvent dire que « 97% des recherches publiées par des experts sur le climat » confirment la théorie du réchauffement climatique causé par l’homme. L’origine de cette affirmation est une recherche de l’historienne des sciences de l’Université Harvard, Naomi Oreskes, en 2004: sur 928 études publiées par des climatologues et contenant les mots-clefs (en anglais) « global climate change », aucune n’était en désaccord avec le consensus sur le réchauffement climatique. Depuis, au moins 14 compilations similaires sont arrivées à des totaux variant entre 91% et 100%, tout dépendant du niveau d’expertise retenu pour figurer dans la compilation.
2 commentaires
Pingback: Élections fédérales 2019 – Alexandre Boulerice et le combat du NPD - Pieuvre.ca
Pingback: Élections fédérales 2019 – Cinq partis, une crise climatique - Pieuvre.ca