Doit-on vraiment tout donner pour son emploi? Doit-on sacrifier ses belles années, sa famille, ses espoirs, ses rêves sur l’autel du travail? Antoine Russbach nous lance notre obsession du travail en plein visage dans Ceux qui travaillent, un drame mettant en vedette le franchement excellent Olivier Gourmet.
Cadre dans une entreprise de transport maritime, Frank passe le plus clair de son temps penché sur son clavier d’ordinateur ou sur son téléphone intelligent, à régler les allées et venues de cargos qu’il ne verra jamais, mais qui transportent tout ce qui forme notre société de consommation: articles de sport, vêtements, voitures, souliers, nourriture, produits électroniques.
De fait, sa famille nombreuse (il a cinq enfants) ne le voit pratiquement jamais. S’il offre tout ce qui est nécessaire côté finances, il est l’exemple type du père absent. Arrive un jour où il prend une décision sur un coup de tête, et ordonne « l’évacuation » d’un clandestin en pleine mer, histoire de ne pas entraîner de retards dans la livraison des produits, sans compter l’amende salée que devrait défrayer l’entreprise. Cette même entreprise choisit pourtant ce moment pour le pousser à la démission.
Le voilà, sans travail, qui perd le principal sens de son existence. « J’avance l’hypothèse que vous ne pouvez véritablement vous épanouir qu’au travail », lui lancera éventuellement sa conseillère en placement – ou est-ce plutôt sa psychologue?
Gourmet, que l’on avait vu et ô combien aimé dans L’Exercice de l’État, où il jouait un ministre sacrifiant justement sa vie personnelle pour le bien de la nation, est ici tout en silences, en regard lourds de sens, en résignation muette. Portrait typique du père de famille qui a bien réussi (sauf, peut-être, là où cela compte vraiment, après tout), l’acteur donne dans le non-dit tout au long des 90 minutes du long-métrage.
Doit-on sacrifier toutes ses valeurs personnelles au nom du chèque de paye? Pendant combien de temps est-on prêt à laisser de côté sa vie personnelle pour arriver aux aurores et repartir à la nuit tombée, tout cela pour payer un luxe qui s’avère finalement bien vide?
Le réalisateur pose la question, et n’apporte en fait pas vraiment de réponse à ce grand mal de la société capitaliste. Car voilà la véritable morale de cette histoire: Fritz Lang n’errait pas beaucoup en créant Moloch, la créature qu’il fallait constamment nourrir de travailleurs épuisés et effrayés, dans Metropolis. Le travail manuel n’est plus ce qu’il était, mais l’industrie n’a fait que se dématérialiser. Et pour un journaliste cumulant deux emplois parce qu’un certain média web ne permet aucunement de défrayer les dépenses courantes, Ceux qui travaillent rappelle sans peine de trop nombreuses soirées consacrées à la production d’information dans le but de plaire à un public invisible, alors que des relations personnelles s’étiolent, que les saisons s’écoulent, et que les années fuient.
Abandonnons-nous donc à cette angoisse professionnelle de Ceux qui travaillent, ce mal du siècle qui ronge deux, voire trois générations de travailleurs.
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