Lorsque le volcan mexicain El Chichón a fait éruption en 1982, il a dévasté une zone de plusieurs kilomètres, fait 3500 victimes, mais aussi perturbé le climat. Il n’a pas été le seul: le Pinatubo, aux Philippines, a connu une série d’éruptions tout aussi dévastatrices en 1991 qui ont marqué la planète de manière durable.
C’est qu’en plus d’être éminemment destructeurs, les volcans sont susceptibles d’agir sur le climat, en modifiant la zone d’activité cyclonique tropicale plusieurs années après une puissante éruption, soutient une récente étude québécoise.
« Ces deux éruptions majeures ont certainement eu un effet sur le climat. Pour le Pinatubo, cela a dû se ressentir dans l’atmosphère durant un an ou deux » relève le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM, Francesco Pausata.
À l’aide d’une quarantaine de modélisations numériques d’éruptions volcaniques, son équipe a découvert que les refroidissements provoqués par ces événements déplacent la zone de convergence intertropicale — là où se produisent les cyclones et ouragans.
« Il n’y a pas plus de cyclones, mais cela a un impact sur leur position et il se produit un déplacement de cette zone à très fortes précipitations durant une longue période », relève le chercheur.
C’est que les volcans libèrent d’énormes quantités de dioxyde de soufre dans la stratosphère. Là-haut, ces molécules se transforment en « aérosols », de fines particules en suspension susceptibles de bloquer le rayonnement solaire. Ces particules provoqueraient des changements dans la circulation atmosphérique et océanique, jusqu’à quatre ans après l’événement.
Le chercheur rappelle ainsi l’hiver volcanique qui a suivi l’énorme éruption du Tambora, sur l’île indonésienne de Sumbawa, en 1815, ou bien les conséquences atmosphériques et océaniques qui ont suivi l’explosion du Krakatoa, en 1883: la couche de cendres a même empêché la vie de se réinstaller durant cinq ans.
Le chaud et froid des volcans
Tout le monde se souvient du volcan islandais au nom imprononçable, l’Eyjafjöll (ou Eyjafjallajökull du nom de la calotte glaciaire qui le couvre), dont l’éruption a paralysé l’Europe en 2010 en clouant les avions au sol. Ce type d’évènement a donc des répercussions très concrètes sur nos vies.
Mais cette éruption-là a toutefois eu peu d’effets sur le climat. « Ces éruptions volcaniques de hautes latitudes restent confinées dans le même hémisphère. Malgré les images, cela n’a pas été une très forte éruption et l’impact sur le climat n’a pas été détectable », assure le chercheur.
Le Pr Pausata soupçonne toutefois que la précédente éruption du volcan islandais Laki (Lakagígar), en 1783, aurait eu des conséquences plus notables. Cet événement a duré huit mois et libéré plus de 14 km3 de lave basaltique — soit plus du triple de ce que le volcan le plus actif de la Terre, le Kilauea, expulse depuis 1983. Cette série d’éruptions, ainsi que les tonnes de dioxyde de soufre libérées, auraient provoqué des pluies acides, la disparition de multiples formes de vie et même une famine au sein de la population islandaise, en plus de refroidir le climat de la planète pendant les années suivantes.
Les chercheurs ont essayé, mais en vain, d’établir un lien entre le volcanisme et El Niño, le courant chaud des eaux de surface du Pacifique sud qui réapparaît à intervalles irréguliers. Le lien serait plus fort avec La Niña, autre phénomène climatique provoqué, lui, par un refroidissement des eaux de surface, qui aurait pour effet de tempérer l’activité des cyclones.
« Cet article montre que les déplacements nord-sud des précipitations tropicales sont la principale façon dont les éruptions volcaniques affectent les cycles tropicaux », résume le professeur associé du Département des sciences atmosphériques et océaniques de l’Université McGill, Timothy Merlis.
« Une question importante pour les recherches futures sera d’identifier ces signaux volcaniques dans les observations des cyclones tropicaux en dehors de l’Atlantique », ajoute-t-il.
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