L’aquarelle étant cette peinture légère sur papier avec des couleurs délayées dans de l’eau, le documentariste russe Victor Kossakovsky a troqué le pinceau pour la caméra afin de tourner Aquarela (2018). Documentaire filmé en 96 images-secondes et captant les sons des milieux aquatiques, les violoncelles du groupe de heavy métal finlandais Apocalyptica viennent amplifier le tout.
Quelque part dans la Russie lointaine, une équipe de sauveteurs arpentent le lac Baïkal pas complètement gelé. Au milieu de cette étendue sereine, que font-ils avec tout leur attirail? Les habitants de la région ne s’assurent pas de la dureté de la glace pour la traverser en voiture, parfois la glace cède et il faut les repêcher, ainsi que leur véhicule. Puis, d’un plan aérien au son du craquement sous-marin de la surface, la caméra nous transporte au large du Groenland où trônent les icebergs immaculés. Hors de l’eau, la lentille scrute leur texture cendrée alors qu’en dessous leurs cavités s’arrondissent par la fonte.
À travers ces morceaux de glace baignés par la lumière nordique ou se déclinant en polygones bleutés, un navire témoigne de l’échelle de ce paysage de géants. Puis, on se retrouve à bord en pleine traversée transatlantique. L’océan agité est découpé en plusieurs plans de caméra afin d’en tirer un tableau abstrait ou une masse terrifiante prête à engloutir le navire. La tempête se fait sentir, le couple de marins se débat avec leurs cordages et les traits creux de leurs visages trahissent leur fatigue quand l’obscurité fait disparaître l’horizon. Au cœur de cette lutte pour la survie, le documentariste nous envoie une décharge de violoncelle électrique.
Après nous avoir montré ces eaux calmes et agitées, le voyage se poursuit dans une zone inondée, à travers un ouragan et lors de l’ouverture de la digue d’un barrage. Semblable à ces montages d’images de nature sauvage et de civilisation accompagnées de musique planante, comme les films Baraka (1992) de Ron Fricke et Koyaanisqatsi (1982) de Godfrey Reggio, Aquarela (2018) se distingue en se centrant uniquement sur l’élément eau. Gaspillée, polluée et déréglée dans son cycle par l’activité humaine, cette ressource garante de la vie sur Terre devient une force fascinante sous la lentille de Victor Kossakovsky.
Images nettes, sons ambiants et sonorité grave issue de la caisse de résonance plus massive du violoncelle constituent un assemblage qui recrée l’effet de la densité volumineuse de l’eau.
Sublime.
À l’affiche au Cinéma du Parc depuis le 23 août.