Le Groupe Capitales Médias, qui possède six quotidiens et un hebdomadaire, dont Le Soleil (Québec), La Voix de l’Est (Granby) et Le Droit (Ottawa-Gatineau), lance l’éponge, mais Québec n’entend pas laisser le navire couler: après avoir annoncé qu’il envisageait de se placer sous la protection de la loi contre les créanciers, le conglomérat a été renfloué à hauteur de 5 millions de dollars par le gouvernement Legault.
Les rumeurs de difficultés financières allaient bon train depuis une semaine, après une chronique de Bernard Drainville où l’animateur radio a soutenu que l’entreprise dirigée par l’ex-ministre libéral fédéral Martin Cauchon était à court de liquidités. Lundi, le couperet est tombé: acculé à la faillite en raison des pertes de revenus entre autres provoquées par l’omniprésence de Google et Facebook, le groupe médias a tiré la sonnette d’alarme vers midi. M. Cauchon a par le fait même annoncé qu’il céderait sa place à la tête de l’entreprise.
Déjà sauvé du naufrage en 2017 à l’aide d’un prêt de 10 millions octroyé par le gouvernement libéral de Philippe Couillard, voilà que Groupe Capitales Médias est de nouveau exsangue. Alors que de très nombreuses voix s’élevaient pour réclamer une aide financière d’urgence, arguant entre autres que la vie démocratique en régions serait grandement menacée advenant la disparition de tous les quotidiens à l’extérieur de Montréal et de Québec, et du retranchement de la moitié des voix journalistiques écrites dans la capitale, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, et sa collègue à la Culture, Nathalie Roy, ont répondu à l’appel.
« La préoccupation première du gouvernement du Québec est de maintenir les activités des journaux et de sauvegarder les emplois qui y sont associés. Groupe Capitales Médias est sans contredit un important diffuseur de l’information dans plusieurs régions du Québec, et il génère des retombées considérables dans les régions desservies. Il est primordial pour le gouvernement du Québec de préserver de telles sources d’information locale et régionale. C’est pourquoi nous ne tarderons pas à mettre en place un programme universel de soutien à l’industrie de la presse écrite », a ainsi fait savoir M. Fitzgibbon par voie de communiqué.
Le gouvernement précise par ailleurs qu’il ne devient pas actionnaire de Groupe Capitales Médias, « mais assurera la tenue d’un processus légal habituel qui permettra la sollicitation d’offres pour la vente en partie ou en totalité des activités de GCM à un ou des repreneurs ».
« Notre gouvernement croit que dans une démocratie saine, l’information doit être diversifiée et accessible à la grandeur du Québec, dans les régions comme dans les grands centres. C’est un principe qu’on ne peut laisser s’effriter et qui est tributaire du nécessaire travail des journalistes. Par conséquent, le gouvernement pose un geste responsable en souscrivant financièrement au maintien des activités de presse écrite du Groupe Capitales Médias et des nombreux emplois qui en découlent », a ajouté Mme Roy.
L’entreprise sera donc à vendre au plus offrant. Déjà, Québecor, par l’intermédiaire de son président, Pierre Karl Péladeau, avait manifesté son intérêt. Si une telle transaction allait de l’avant, cependant, il s’agirait d’une concentration sans précédent de la presse au Québec, et il y a fort à parier que Le Soleil, en concurrence directe avec Le Journal de Québec, fermerait éventuellement ses portes.
En attendant, les 5 millions de dollars prêtés par Québec ne permettront à Groupe Capitales Médias que de maintenir ses activités jusqu’à la fin décembre.
Un espoir du côté des syndicats?
L’annonce de la possible faillite de l’entreprise et de son sursis de quelques mois a poussé la Centrale des syndicats nationaux (CSN) a se montrer elle aussi intéressée à assurer la survie du groupe.
Dans un communiqué publié en après-midi, lundi, l’alliance syndicale, via la présidente de la Fédération nationale des communications (FNC), Pascale St-Onge, affirme que « c’est une très triste journée pour les médias d’information, pour leurs artisans, mais également pour l’ensemble de la population, particulièrement en région. Il y a longtemps que nous tirons la sonnette d’alarme au sujet de la crise qui sévit dans le secteur de la presse écrite ».
Saluant le prêt temporaire de Québec, la CSN estime que la formation d’une coopérative de travail pourrait représenter une solution pour éviter une nouvelle débâcle qui conduirait à la disparition définitive des journaux du groupe.
La CSN doit par ailleurs participer à la commission parlementaire qui doit débuter la semaine prochaine, à Québec, et qui abordera justement l’épineux enjeux de la survie de la presse québécoise, dans le cadre d’une crise qui s’éternise depuis plus d’une décennie.