Lorsqu’Isaac Newton a tenté pour la première fois de décrire le momentum dans son précis intitulé Principia, en 1687, il a développé une formule tout à fait éloquente, soit le fait que le momentum d’un objet est équivalent à sa masse multiplié par sa vélocité. Ou P = MV. Aujourd’hui, des scientifiques de l’Université Brunel, à Londres, ainsi que de l’Université Harvard ont démontré comment cette même formule peut être utilisée pour prédire si un mouvement politique non-violent sera couronné de succès.
Les chercheurs espèrent que les conclusions de l’étude, publiées dans Nature Human Behaviour, peuvent aider les dissidents impliqués dans une résistance non-violente pour établir leur pouvoir.
« Comme nous l’avons vu récemment au Soudan et en Algérie, vous ne devez mobiliser qu’un petit nombre de personnes pour entraîner d’importants changements politiques », affirme le Dr Margherita Belgioiso, de l’Université Brunel.
« Dans les deux cas, environ un million de personnes, soit approximativement 2,5% de la population, ont été mobilisées lors de manifestations non-violentes, mais celles-ci ont permis d’entraîner un changement de leadership. Lorsque vous commencez à vous intéresser à la façon dont les mouvements ont été couronnés de succès, vous constatez que l’aspect le plus important n’était pas simplement le nombre de personnes mobilisées, mais à quelle fréquence. Les manifestations ont peut-être été de petite taille, mais elles ont eu lieu fréquemment, et elles ont généré du momentum. »
« Bien sûr, regrouper 2,5% de la population n’est pas facile – cela équivaudrait à 1,65 million de personnes au Royaume-Uni, ou un peu plus de 8 millions de personnes aux États-Unis », mentionne le chercheur.
En utilisant une base de données sur les conflits sociaux en Afrique, dont l’acronyme est SCAD, les chercheurs ont examiné des cas de manifestations, d’émeutes, de grèves, et d’autres formes de contestation dans 47 nations africaines entre 1990 et 2014 pour déterminer quels facteurs étaient essentiels pour favoriser « ces changements irréguliers de leadership ».
Les travaux ont permis de déterminer que si le fait de réussir à rassembler un grand nombre de personnes qui appuient un camp est important, c’est bel et bien le « momentum » d’un mouvement politique qui en détermine le succès.
« La théorie de Newton sur le momentum sert de rappel particulièrement efficace – si nous considérons le nombre de gens mobilisés comme étant la « masse », et la fréquence à laquelle ils se réunissent comme la « vélocité », nous pouvons commencer à quantifier l’ampleur du « momentum » d’un mouvement politique donné », mentionne le Dr Belgioiso.
« En agissant de la sorte, nous avons démontré qu’il existait clairement une corrélation entre le moment d’un mouvement et la probabilité qu’il atteigne ses objectifs, lorsqu’il est temps de renverser un leadership national. »
Selon les chercheurs, s’il est possible de rassembler 20% de la population d’un pays au cours de 60 événements tenus lors d’une même semaine, la probabilité d’un « changement irrégulier de leadership » atteint théoriquement un taux de 100%.
De la même façon, s’il est possible de mobiliser 10% de la population, seuls 81 événements par semaine sont nécessaires pour obtenir le même résultat; pour 5% de la population, 121 événements par semaine sont requis.
De façon intéressante, soulignent les chercheurs, s’il n’est possible d’organiser que 20 événements par semaine, une augmentation de la masse – le nombre de gens impliqués – n’a pas d’effet sur le momentum.
« Il s’agit d’une conception erronée qui est répandue, soit que la résistance non-violente ne peut réussir que si vous « faites fondre le coeur » de votre opposition », mentionne le Dr Belgioiso. « Cela signifie que les dissidents ne peuvent réussir que si le leader à renverser est fondamentalement bon, ce qui n’est clairement pas le cas. Je ne crois pas que quiconque dirait de l’ex-président soudanais Omar el-Béchir qu’il était une bonne personne, ou encore qu’il était sympathique, et malgré tout, dans les dernières semaines de la mobilisation, son contrôle du pouvoir s’est effrité des suites de manifestations non-violentes. »
« Nous avons démontré, avec notre étude, que ce qui est généralement nécessaire pour qu’un mouvement réussisse consiste à mobiliser les gens, et à les mobiliser souvent. Plus vous pouvez mobiliser le public régulièrement, moins vous avez besoin de gens pour bâtir votre momentum. Voilà pourquoi un mouvement bien organisé et déterminé, comme celui ayant fonctionné au Soudan, a pu atteindre son objectif, malgré un petit nombre de participants. »
Cependant, comme l’indiquent encore les scientifiques, « un changement irrégulier de leadership ne veut pas dire que le résultat sera équitable, paisible ou stable ».
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