Peut-on réellement trahir son pays en s’assurant d’éviter une Troisième Guerre mondiale et la destruction de notre civilisation par le feu nucléaire? Red Joan, un drame d’espionnage basée sur des faits réels et réalisé par Trevor Nunn, pose la question, mais évite d’y répondre. Il en reviendra au public de juger des actes de l’héroïne de cette adaptation du roman du même nom.
Tout juste avant l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, Joan Stanley a déjà frayé avec les communistes, et surtout avec Leo, un juif allemand très près de l’idéologie de la Russie soviétique. Amoureuse de cet idéaliste qui a incité pendant des années à se rebeller contre le carcan de l’exploitation capitaliste, elle finira par céder à ses demandes et à lui livrer les secrets nucléaires du Royaume-Uni.
Placée devant les faits de nombreuses années plus tard, celle que l’on surnomme Red Joan devra se battre contre son propre gouvernement et défendre son honneur.
Les drames d’espionnage se déroulant autour ou durant la Deuxième Guerre mondiale sont légion, tout comme ceux qui prennent place durant la guerre froide. Il n’est donc pas étonnant que cette histoire d’espionne britannique ayant travaillé pour les Soviétiques, alors que ceux-ci étaient en passe de devenir le nouvel ennemi de l’Occident, ait fait l’objet d’une transposition et d’une adaptation en version papier. De là à faire passer cette histoire sur grand écran, il n’y avait qu’un pas, semble-t-il, pas qu’a volontiers franchi M. Nunn, qui est surtout un habitué des productions théâtrales, et qui n’avait pas réalisé de film depuis 22 ans.
Si Red Joan comprend normalement tous les ingrédients essentiels pour que la pâte lève et que le drame soit poignant, avec son contexte historique, ses tensions amoureuses, géopolitiques et religieuses, le film tombe malheureusement un peu à plat. L’histoire est assez directe, en effet: Joan, interprétée par Sophie Cookson (Kingsman: The Secret Service), est plus que douée en physique et trouvera du travail auprès des chercheurs qui oeuvrent à mettre au point une bombe britannique, mais cédera aux pressions de Leo (Tom Hugues, entre autres connu pour la série Victoria) et lui enverra donc les précieux secrets. Le tout sans véritables fioritures, retournements de situation, ou encore grands moments de tension où tout pourrait basculer. L’adaptation est fidèle à la réalité, sans doute, mais la réalité est ici bien mièvre, alors que l’univers des espions, entre autres avec les John Le Carré de ce monde, nous a habitués à toutes sortes de moments stressants. On suit ici l’histoire du point A au point B, sans jamais que les convictions de l’héroïne soient vraiment remises en doute, ou sans quelle ait véritablement besoin de se compromettre pour parvenir à ses fins.
Quant à Judi Dench, dont on nous vante la présence, en allant jusqu’à afficher son visage aux côtés de Mme Cookson sur l’affiche du film, on peut dire qu’elle offre ici un service minimum. Bien entendu, elle n’est pas mauvaise dans ce rôle de Joan plus âgée qui est accusée d’espionnage et de trahison par le gouvernement britannique, mais au-delà d’être fatiguée et parfois un peu confuse, ou encore de regarder l’horizon afin de déclencher une séquence en flashback, le cinéphile n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. On est loin, très loin, de l’affirmation et de la détermination de Skyfall, par exemple.
Doit-on, alors, visionner Red Joan? Franchement, l’oeuvre n’est ni ennuyeuse, ni palpitante. Un produit cinématographique intéressant sur le plan visuel, avec un jeu d’acteurs correct, mais sans plus. Il faut croire que toutes les histoires d’espions ne sont pas bonnes pour l’univers du cinéma.