S’il a souvent été la risée du monde des superhéros, Aquaman ne manque certainement pas de profondeur ou d’ennemis d’envergure, comme le prouve La mort du Prince, un album dépeignant les heures les plus sombres de toute la carrière de l’aventurier aquatique.
À part peut-être son costume orange et vert, j’ignore pourquoi Aquaman a été la cible de tant de railleries à travers les années. Comme il est né de l’union d’un homme et d’une sirène, d’un simple gardien de phare et d’une Reine, le personnage d’Arthur Curry est constamment déchiré entre deux mondes, un conflit interne le rendant beaucoup moins unidimensionnel que certains de ses collègues, et ses pouvoirs, lui permettant de contrôler télépathiquement les créatures sous-marines, sont assez uniques. Parmi les superhéros de la première génération (il a vu le jour en 1941), il a souvent été un précurseur: il sera le tout premier à se marier et avoir une descendance, et bien avant que le sujet ne soit à la mode, il véhiculait des préoccupations écologiques quant à la pollution des océans par les déchets de plastique. C’est pourquoi, en redonnant ses lettres de noblesse au souverain des sept mers, l’album La mort du Prince constitue une lecture essentielle pour tous les amateurs de comics.
Dans les années 1970, les créateurs de bandes dessinées américaines cherchaient à incorporer davantage de maturité à leurs histoires, sans pour autant déroger au Comics Code Authority, et La mort du Prince est un pur produit de cette époque. Même si on y retrouve des batailles épiques entre Aquaman et certains de ses ennemis jurés, dont son demi-frère Orm ou Black Manta, l’arc narratif de l’album confronte avant tout le héros à une menace beaucoup plus subtile (et insidieuse) qu’un simple vilain. Accusé de se préoccuper davantage des humains à la surface que de son propre peuple, le héros perdra en effet le trône de l’Atlantide, et sera condamné à l’exil par les siens. Pire, Arthur Curry se verra pourchassé par ses anciens sujets pour un crime qu’il n’a pas commis, et Aqualad, son jeune protégé, ainsi que son épouse Mera, l’abandonneront. Rarement a-t-on vu l’aventurier amphibie nager en eaux si troubles.
La mort du Prince regroupe vingt-huit histoires tirées d’Adventure Comics et d’Aquaman, parues entre 1974 et 1978. Plusieurs artistes illustrent ces récits, dont Don Giardano, Carl Potts ou Mike Grell, mais la grande majorité de l’album est signée par le légendaire Jim Aparo. Dans un style visuel typique de l’âge de bronze des comics, il combine l’antique et la science-fiction, avec sa cité submergée protégée d’un dôme et ses vaisseaux aquatiques et futuristes, ce qui donne à l’ensemble une facture de Flash Gordon sous les mers. Aparo tire aussi profit du contexte sous-marin pour souligner les mouvements par des bulles, des remous et des lignes d’écume, donnant l’impression que ses personnages volent. Tandis qu’à l’époque, on pouvait voir les petits points de la trame, cette réédition utilise des technologies d’impression modernes, et redonne toute leur splendeur aux planches originales.
La mort du Prince constitue l’album parfait pour ceux et celle qui, après avoir vu l’adaptation cinématographique mettant en vedette Jason Momoa, voudraient en apprendre davantage sur Aquaman, et pour enlever les préjugés tenaces à l’égard d’un superhéros qui n’a pas toujours été apprécié à sa juste valeur.
Aquaman – La mort du Prince, de Steve Skeates, Paul Levitz, David Micheline et Jim Aparo. Publié aux Éditions Urban Comics, 344 pages.
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