Qualifié de « maître québécois du suspense », Martin Michaud fait de plus en plus parler de lui, et après sa série Victor Lessard, portée au petit écran, c’est au tour de son roman Sous la surface de connaître une adaptation, mais en bande dessinée cette fois-ci.
À Lowell au Massachussetts en 1991, Leah Hammett et Chase Moore, deux adolescents amoureux, se sont fixés un rendez-vous dans vingt-cinq ans sur le pont des Six arches, sauf qu’en rentrant chez-lui ce soir-là, Chase s’est noyé en tentant de secourir la conductrice d’une voiture tombée dans la rivière Concord, et son corps n’a jamais été retrouvé. Maintenant mariée au sénateur Patrick Adams, le favori dans la course à l’investiture du Parti démocrate, Leah a délaissé sa carrière de romancière pour rédiger les discours politiques de son époux. En 2016, à la veille du « Super Tuesday », elle remet les pieds pour la première fois dans sa ville natale quand, à peine sortie de l’avion, elle reçoit un énigmatique message texte lui rappelant le rendez-vous pris il y a plus de deux décennies. S’agit-il d’une mauvaise plaisanterie, d’une manœuvre politique de ses adversaires, ou Chase serait-il encore vivant, et si c’est le cas, pourquoi est-il resté caché durant toutes ces années?
Dépeignant les magouilles et la lutte fratricide entre deux candidats vedettes briguant l’investiture du Parti démocrate, Sous la surface s’inscrit dans l’air du temps. En revisitant l’élection américaine de 2016 pour y insérer le personnage fictif de Patrick Adams et en présentant les États-Unis comme les défenseurs d’un ambitieux plan environnemental auquel s’opposerait le Canada (ce qui est assez comique quand on y pense), la bande dessinée verse dans la politique-fiction, mais incorpore aussi une touche de suspense en revenant sur les événements de 1991, la disparition de Chase, et l’enquête bâclée. Si ce premier de deux tomes se termine en queue de poisson, personnellement, ma plus grosse déception fût de ne pas trouver un iota de saveur québécoise à ce récit qui, à part une vague allusion à Montréal, aurait pu être écrit par un auteur américain, mais peut-être ne s’agit-il que de chauvinisme de ma part.
En plus de son coup de crayon fin et fluide, Marco Dominici utilise à bon escient les effets par ordinateur pour ajouter des zones de flou, des dégradés de couleur ou des effets de luminosité à ses illustrations, ce qui les rend encore plus élégantes et léchées. Bien que Sous la surface soit un album parfois verbeux et que la majorité de l’information soit transmise par des têtes parlantes dans des restaurants ou des bureaux, Dominici dynamise l’ensemble, en croquant, de façon très détaillée, des lieux emblématiques de la ville de Lowell, ou de Boston. Tout en restant de bon goût, il se permet une légère touche de nudité à travers l’album, et ses scènes se déroulant sous une pluie abondante, avec les gyrophares embrumés des voitures de police et les reflets de l’asphalte mouillée, sont particulièrement dramatiques, et réussies.
Il faudra malheureusement attendre la parution du second tome pour savoir si Sous la surface connaîtra une conclusion satisfaisante, et pour cette raison, cette adaptation en bande dessinée risque d’être davantage appréciée par ceux et celles qui ont lu le roman de Martin Michaud.
Sous la surface Tome 1, de Gihef, Marco Dominici et Martin Michaud. Publié aux Éditions Kennes, 56 pages.
Un commentaire
Pingback: Critique Sous la surface - Patrick Robert