Il y a quelque chose d’étrange dans le roman Rouge est la nuit, premier opus d’une série policière écrite par Tetsuya Honda. Étrange, en effet, parce que ce thriller paru à l’Atelier akatombo offre quelques bases du roman policier occidental, certes, mais aussi parce qu’on y ajoute non seulement quelques aspects uniques à la culture japonaise, mais aussi parce que l’oeuvre surprend en dévoilant un récit bien plus horrible qu’on aurait pu l’imaginer.
À la suite de la découverte d’un corps enveloppé dans une bâche bleue et en apparences simplement abandonné dans un parc d’une banlieue tranquille de la capitale japonaise, Reiko Himekawa, 29 ans, est chargée de résoudre l’enquête. Sans surprise, elle est confrontée au sexisme ordinaire, voire carrément à du harcèlement de la part de ses collègues. Après tout, nous sommes non seulement dans la police, une organisation qui est trop souvent un bastion pour la masculinité toxique, mais nous sommes en plus au Japon, où les femmes qui occupent un emploi continuent d’être mal vues.
Ajoutez à cela des collègues qui sont un peu trop entreprenants, quand ils ne sont pas carrément agressants et coupables de harcèlement psychologique, ou encore une mère qui fait régulièrement pression sur sa fille pour qu’elle se marie, et vous avez une bonne idée de l’existence de notre héroïne.
Tout cela, faut-il le rappeler, ne représente qu’un aspect de Rouge est la nuit. Nous sommes ici pour résoudre une enquête, après tout! Et l’enquête prend de l’ampleur, les cadavres se multiplient, et le lecteur est peu à peu mis en contact avec le côté sombre de Tokyo. Les descriptions d’actes de violence sont d’ailleurs parfois si crues, si directes, si imagées, que l’on évoque sans y penser vraiment les souvenirs d’American Psycho. Le film donnait déjà la chair de poule, mais le livre de Bret Easton Ellis avait parfois tendance à provoquer des hauts le coeur.
Cette combinaison de violence horrible et de relations entre l’héroïne et ses collègues crée une étrange ambiance. On passe régulièrement d’un moment de tension à un autre où Reiko doit arriver à fonctionner parmi ses collègues et réagir aux pressions de ses proches, et le résultat est à la fois satisfaisant et frustrant. Impossible de savoir si c’est une question de traduction en français de France, ou si le livre a bel et bien été écrit de cette façon, mais on ne parvient jamais vraiment à trouver un équilibre entre ces deux forces qui tiraillent le lecteur. Il n’y a rien d’assez grave, là-dedans, pour nous empêcher de dévorer l’oeuvre, mais il y a fort à parier que les suites (et elles sont nombreuses, du moins en japonais) sont potentiellement mieux structurées.
Rouge est la nuit, de Tetsuya Honda, publié par l’Atelier Akatombo, 343 pages.
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