En mai dernier, The Dead Don’t Die ouvrait le Festival de Cannes. Un mois plus tard, le commun des mortels peut découvrir le 13e long-métrage de Jim Jarmusch.
Figée dans le temps, la bourgade paisible de Centerville s’étend du motel rétro au commissariat de police en passant par la station essence, la ferme et le classique diner.
Lorsque les choses commenceront à déraper, c’est ici qu’elles le feront. En attendant, il représente le centre névralgique de la municipalité. Ici, les policiers apathiques que campent Bill Murray (lui-même mort-vivant dans Zombieland de Ruben Fleischer), Chloé Sevigny et Adam Driver se ravitaillent en beignes, Frank, le fermier raciste interprété par Steve Buscemi arbore ses opinions politiques sur sa casquette (« Make America white again », un slogan qui en rappelle un autre) et les nouvelles évoquent la fracturation polaire qui aurait changé l’axe de rotation de la Terre. Un désastre écologique qui fera bientôt fuir les animaux et qui perturbera tant les appareils électroniques que les cycles jour/nuit.
Tout cela va mal finir
« Tout cela va mal finir », annonce de façon prémonitoire Adam Driver, alors que la radio diffuse le morceau country The Dead Don’t Die de Stungill Simpson. À la lueur violette de la Lune, les morts sortent de leur tombe à la recherche de chair fraîche et de ce qui les animait lorsqu’ils étaient encore vivants.
Ainsi, le zombie d’Iggy Pop se dirige d’instinct vers le diner, en quête de café, clin d’oeil délectable à Coffee and Cigarettes. Des allusions, des hommages, ce 13e long-métrage de Jim Jarmusch en est truffé. Il pastiche les films de morts-vivants, Dawn Of The Dead de Georges Romero en tête, en y injectant quelques références à Star Wars, au Wu-Tang Clan ou à ses propres films (la maîtrise du katana par la thanatopractrice incarnée par Tilda Swinton ne peut qu’évoquer Ghost Dog: The Way Of The Samurai).
Satire de notre société
Ces nombreux clins d’oeil arracheront des rires aux spectateurs et ponctueront cette comédie légèrement horrifique et contemplative. Fidèle à lui-même, Jim Jarmusch fait l’apologie de la lenteur et développe son histoire comme des strates de guitares électriques qui s’ajoutent les unes aux autres, créant une atmosphère qui lui est propre.
Le réalisateur a cependant troqué sa poésie habituelle pour l’absurde et semble se concentrer sur le bonheur d’avoir sa troupe d’acteurs fétiches à ses côtés. Imprégné de culture pop, The Dead Don’t Die est la satire d’une société qui fonce dans le mur écologiquement parlant, tandis que ses citoyens, comme le narre l’ermite joué par Tom Waits, sont transformés en zombies par le consumérisme. Une morale qui rend hommage à Dawn Of The Dead, avec hélas peu de subtilité, mais sans toutefois gâcher le plaisir des spectateurs.