D’une franchise qu’on est en train d’épuiser à l’usure, constamment en crise identitaire, ressort un Dark Phoenix imbécile au possible qui noie ses ambitions dans un raz de marée de ridicule. Il est effectivement temps de mettre fin à la souffrance et de laisser les X-Men, et tous leurs mutants, voler de leurs propres ailes au lieu de les forcer, tel des pantins, à nous divertir bêtement.
N’ayant jamais été fan de cette franchise qui a toujours usé de manière simpliste de la métaphore de l’étranger pour développer dans un contexte réaliste cette variation de la ségrégation, voilà qu’on touche le fond du fond en tentant à nouveau de réinventer la formule.
Comme quoi, en plus d’une dizaine de films étalés sur deux décennies, on a littéralement tout tenté. De l’aspect plus bédéiste à la remise à zéro, en passant par le retour dans le temps, rien n’était à l’épreuve des personnages, histoire de garder le flot de protagonistes constant.
Certes, ils ont pavé la voie bien avant que les Marvel de Disney ne prennent le contrôle, et ils ont toujours eu un certain panache pour l’audace avant que Fox ne tombe finalement entre les mains de la terrible souris capitaliste.
Loin d’une certaine formule, sauf peut-être dans cette pratique prévisible et agaçante de toujours tout sauver in extremis par le biais d’un mutant ayant exactement le pouvoir dont ils ont besoin pour s’en sortir, la série a surtout tenu son bout pour le charisme indétrônable de Hugh Jackman en Wolverine. Ses films solo ont beau avoir déçu à maintes reprises, incluant le sublime Logan à cause de son horripilant dernier acte, la franchise a toujours gagné de par sa présence. Et ce bien malgré l’impressionnante distribution qui a gonflé avec les années.
L’acteur ayant tiré sa révérence et dit adieu au rôle qui l’a propulsé, donc même aux cameo (oui, oui, puisque dans Deadpool 2, ce n’était que du recyclage, après tout), voilà qu’on ne sait plus où donner de la tête pour raviver à nouveau l’intérêt pour ces films qui finissent toujours indubitablement par lasser son propre public.
Il y a bien fallu le coup de pouce de Matthew Vaughn pour revenir aux origines et l’audace impressionnante de James Mangold pour offrir un western crépusculaire inattendu, mais d’ordre général, c’est surtout le chaos et le foutoir qui définissent le mieux la série. On a qu’à repenser au fameux X-Men: The Last Stand, réputé pour être particulièrement mauvais, tout comme au désolant X-Men: Days of Future Past et sa fameuse finale à la « et ils se réveillèrent », pour prendre conscience du manque de soins apportés à cette série pourtant si populaire.
Sachant visiblement qu’on a fait le tour, et devant se résoudre aux acteurs restants qu’on force à jouer en deçà de leurs talents (Michael Fassbender a beau avoir arrêté de crier aux cinq secondes, le voir forcer et se crisper de tout son être pour arrêter un hélicoptère, ce n’est certainement pas son plus grand moment de gloire sur grand écran), on décide de reprendre la formule intimiste qui a valu l’intérêt du dernier Wolverine, tout en visant cette-fois les étoiles, l’espace et les extra-terrestres, s’assurant de repousser constamment la sortie du film pour retravailler en vain tous ses problèmes.
Vide intersidéral
Sauf qu’un trou reste un trou et on a beau tenter de le cacher encore et encore, rien n’y fait. Rien ne peut sauver ce film du désastre tellement son inutilité et son ridicule nous revient au visage à chaque instant, ne manquant pas de nous ennuyer et nous endormir à tout moment.
Quel dommage de réduire à vide la complexité du personnage de Jean Grey, pourtant férocement défendu par Sophie Turner dans son premier grand rôle post-Game of Thrones, ou de voir Jessica Chastain à nouveau dans un rôle sans nuance, affublée ici d’une hideuse perruque.
Bien que larmoyante, Jennifer Lawrence ne manque pas d’apporter des réflexions pertinentes dans l’évolution dramatique du récit, mais se retrouve tout de même avec une réplique féministe qui fait passer le moment maladroit de Avengers: Endgame pour un coup de génie.
Et puis il y a tous ces changements, qui malgré les millions dépensés pour sauver le navire, ne font que donner l’impression de manquer de budget. Que ce soit ces combats restreints à la tension peu préoccupante, ou ces effets spéciaux qui laissent sévèrement à désirer, on se plaît à imaginer ce combat intergalactique qui a failli être au lieu de celui dans un train en mouvement qui n’a aucun attrait. Comme quoi, si on a tenté d’éviter les comparaisons avec Captain Marvel, on en revient néanmoins avec exactement la même finale, réplique et visuel identique en extra.
Ce Dark Phoenix, comme on le comprend donc, n’est pas grand-chose et sent l’épuisement à plein nez. Celui de la franchise, comme dit auparavant, mais aussi celui de ses artisans, bien au-delà des acteurs qui puisent difficilement de la conviction dans leur jeu. On pense ainsi à ces collaborateurs de Nolan, comme le monteur Lee Smith, incapable d’insuffler un rythme valable à l’ensemble, on au compositeur Hans Zimmer, carrément blasé des films de superhéros, qu’on a forcé à nous rejouer des mélodies qui n’ont aucun désir d’exister.
Face à une finale plus ou moins vague et ouverte, nous rejouant The Dark Knight Rises avec la musique de Inception, petit clin d’œil dans le ciel pour pleinement nous achever, on restera alors perplexe sur ce long-métrage qu’on aurait tout simplement dû annuler, visiblement incapable de le faire vraiment décoller ou même de le justifier.
3/10
Dark Phoenix prend l’affiche ce vendredi 7 juin.